Passer au playerPasser au contenu principalPasser au pied de page
  • 15/05/2025

Catégorie

🗞
News
Transcription
00:00Musique
00:28Tout commence par une histoire d'amour dans le Paris de la Belle Époque.
00:32Une jeune fille est assise sur une banquette du métro,
00:35sage, innocente,
00:38le regard comme il faut sous son joli chapeau.
00:42Sur ses genoux, elle porte un étui à violon qu'elle sert près de sa taille
00:46pour ne pas gêner le monsieur assis en face d'elle.
00:49« Vous jouez du violon, mademoiselle ?
00:52Oui, enfin, non, j'apprends. »
00:56Elle ne sait pas quoi dire à l'idée que l'étui à violon pourrait s'ouvrir
01:00et qu'on verrait à l'intérieur un livre, un tube de rouge à lèvres,
01:03un mouchoir et quelques affaires de dame, mais pas de violon.
01:07Germaine se sert de l'étui comme d'un sac à main
01:10pour se donner une contenance de jeune fille cultivée.
01:14L'homme se rend de plus en plus compte de la fragilité de sa proie.
01:18Il en profite pour l'inviter au théâtre où, dit-il,
01:21il est le partenaire de Sarah Bernard.
01:24« Après le spectacle, je vous emmènerai souper.
01:27Passez me prendre dans ma loge, la loge 14, vous vous rappellerez ? »
01:33Pour Germaine, c'est comme un coup de baguette magique.
01:37Sarah Bernard, le théâtre, la vie d'artiste,
01:42elle ne peut pas résister à l'appel d'un tel destin.
01:45Le lendemain, elle court voir la pièce de Sarah Bernard
01:48avec une copine à qui elle a raconté toute l'histoire.
01:52Germaine se faufile dans les coulisses,
01:55elle demande la loge 14, la porte s'ouvre
01:59et elle retrouve son bel inconnu qui l'attend
02:02comme convenu lors de leur première rencontre.
02:11Germaine est alors certaine de vivre le grand amour
02:14et l'amour lui fait un robuste garçon
02:17et un soir de 1905, rue d'Arcée, à Paris,
02:21à 20h30 exactement.
02:24« L'heure d'entrée en scène pour les acteurs de théâtre »
02:28dira Pierre Brasseur lorsqu'il sera devenu grand.
02:31« Je n'étais pas un enfant très attendu.
02:34Je crois que c'est un accident.
02:37Ma mère ne s'entendait pas tellement bien avec mon père
02:42que ta personnalité.
02:46C'est insensé, c'est invraisemblable.
02:51Elle était une pauvre petite fille,
02:54sans défense.
03:03On ne s'est pas rendu compte tout de suite
03:06du personnage qu'était mon père,
03:09qui était un acteur qui jouait chez Sarah Bernard
03:12et qui couchait d'ailleurs avec Sarah Bernard.
03:16Il n'avait pas de mérite puisqu'il n'y avait que des pédéraphes.
03:20Il se souhaitait beaucoup la gueule. »
03:23Pierre Brasseur, enfant, vit avec sa mère,
03:26actrice de théâtre comme le père de Pierre l'était.
03:29« Je tiens certainement beaucoup de mon père.
03:32Je ne l'ai pas connu.
03:34J'étais mort quand j'avais 9 mois.
03:36Je n'ai pas eu beaucoup de conversations suivies avec lui. »
03:39« Mon père est mort, mais très très vite. »
03:42Odette Joyeux, la femme de Pierre Brasseur,
03:44est la mère de Claude Brasseur.
03:46« Brasseur, ce n'est pas leur nom.
03:48C'est un nom qui est dans la famille,
03:50mais Pierre ne s'appelle pas Brasseur.
03:52Il s'appelle Espinard,
03:54ce qu'ils donnaient à l'école et dans les collèges.
03:57Puisqu'il y a eu un grand-oncle,
03:59l'archicélèbre Albert Brasseur,
04:01ils ont tout fait, prenons-le. »
04:09Musique
04:19Madame Brasseur élève son fils
04:21avec son tempérament d'artiste.
04:23Pierre écrira plus tard,
04:25en racontant sa vie en vrac,
04:27qu'elle était folle,
04:29volage, instable, libertine,
04:32sans mari, sans fric,
04:34avec seulement deux grands yeux bleus
04:37pour vous regarder grandir.
04:39« Elle a joué un rôle très important dans ma vie.
04:42C'est la seule femme qui me fait rire.
04:45J'aime beaucoup les femmes qui me font rire. »
04:48Musique
04:56Pierre Brasseur a 16 ans.
04:58Il remonte à Paris, révolté à jamais
05:00contre l'univers carcéral de la bonne éducation.
05:03En revanche, il reconnaît avoir eu la chance
05:06d'étudier de beaux textes
05:08grâce à l'un de ses professeurs de lettres
05:11doués d'une sensibilité nettement supérieure à la moyenne.
05:14Pierre remercie également
05:16ses premières amours buissonnières
05:18de l'avoir déniésée
05:20avec une attention particulière
05:22pour la fille du facteur
05:24qui, par un beau dimanche soir,
05:26en face de la poste,
05:28lui a fait découvrir tout ce qu'il racontait
05:30depuis des années à ses copains
05:32en faisant semblant de savoir.
05:35« Je ne sais pas pourquoi,
05:37je ne sais pas si cet espèce d'appétit
05:39qu'il avait pour les nanas,
05:41ça veut dire qu'il n'avait pas une réussite totale,
05:44je ne sais pas, parce que c'est difficile,
05:46on n'est pas dans les êtres.
05:48Alors on ne sait pas ça,
05:50mais c'est sûr qu'il fallait qu'il soit occupé,
05:53alors il fallait qu'il peigne,
05:55il fallait qu'il écrive,
05:57il fallait qu'il joue.
05:59Moyennant quoi, il était devenu sagesse.
06:03Sagesse.
06:05Est-ce que ce n'est pas possible,
06:07cette espèce d'user la vie par les deux bouts,
06:09à ce point,
06:11ça dénote une certaine angoisse.
06:13Il était angoissé, ce type, il était angoissé. »
06:15Installé dans une chambre de la rue Créte,
06:17derrière le cirque Médrano,
06:19Pierre fréquente une académie de dessin
06:21de la rue Vavin,
06:23où l'on remarque ses talents de peintre.
06:25« Il était peintre, c'était même plus
06:27qu'un peintre amateur. »
06:29Claude Brasseur rappelle l'une des activités
06:31qu'il avait avant de longues années,
06:33il a hésité même.
06:35Il a pris des cours,
06:37il était au Beaux-Arts.
06:39Ce n'est pas un peintre amateur,
06:41il a toute une formation technique
06:43de base de peintre.
06:45Et puis, pendant,
06:47je suis sûr que pendant très longtemps,
06:49il a hésité entre ces trois formes
06:51d'expression, la littérature,
06:53la peinture et l'art dramatique.
06:55Et puis finalement,
06:57c'était quand même ce qui
06:59drabustait le plus,
07:01de s'exprimer
07:03comme ça,
07:05un peu corporellement
07:07par l'intermédiaire de l'art dramatique.
07:09C'était un plaisir de jouer avec lui,
07:11évidemment, parce qu'il dégageait
07:13d'une manière
07:15monstrueuse, comme ça,
07:17il occupait l'espace
07:19complètement.
07:21Les souvenirs d'Elisabeth Wiener
07:23s'appartenèrent dans l'un de ses grands succès au théâtre.
07:25Il avait une voix fantastique,
07:27il était vraiment là quand il jouait,
07:29et c'était un plaisir
07:31de jouer avec lui.
07:33Et en dehors de ça, moi, je l'aimais beaucoup.
07:35Et il était assez
07:37insupportable avec tout le monde.
07:39Il était assez dur d'abord
07:41parce qu'il dérangeait
07:43beaucoup les gens, et je crois qu'il aimait
07:45ça. Et puis,
07:47il picolait pas mal,
07:49ce qui fait que quelquefois, il allait un peu
07:51au-delà de la commune mesure.
07:53Mais il a fait un jour
07:55une chose.
07:57Il était en tournée, à Poitiers,
07:59dans un hôtel qui s'appelle l'Hôtel de France,
08:01qui est un hôtel très sérieux,
08:03très bien tenu.
08:05Il était 5h du soir, aussi jeune,
08:07c'est pas le moment de s'inquiéter
08:09un peu de la représentation, et on n'entendait
08:11rien, et il n'a pas voulu sortir,
08:13et on n'a pas pu lever le rideau, ce soir-là,
08:15on n'a pas pu jouer. Alors, on a fini par
08:17aller là. Quand on a vu
08:19sortir
08:21de sous la porte
08:23une sorte de décume,
08:25il était 10h du soir, il a fini
08:27par ouvrir, il était
08:29tout à fait parti, tout à fait absent,
08:31il s'était fait monter des caisses de bière,
08:33il avait répondu la bière sur
08:35la moquette, et quand on lui a demandé
08:37pourquoi il avait fait ça, il a dit
08:39je voulais voir la mer. Je trouve ça
08:41merveilleux, vous comprenez ce qu'à me dire,
08:43qu'on attend en scène, et qu'il y a
08:451000 personnes attendent la représentation,
08:47et pas du tout lui, il veut voir la mer,
08:49et comme on est trop loin de la mer, il renverse des bouteilles de bière
08:51sur la moquette. C'est une histoire formidable, non?
09:21Pierre Brasseur a 20 ans.
09:25Il commence sérieusement
09:27une carrière d'acteur de théâtre
09:29qui ressemble à sa vie extravagante.
09:31Je crois alors que sa carrière de comédien
09:33a vraiment
09:35démarré avec une pièce
09:37qui a été un énorme succès,
09:39une pièce d'Edouard Bourdet, qui s'appelait
09:41Le sexe faible. Odette Joyeux raconte
09:43la naissance de Pierre Brasseur vedette.
09:45Et ça c'est une pièce qui je crois a été
09:47jouée vers 1930, ou un peu plus
09:49tard. Mais alors là je sais que Brasseur
09:51avait eu une critique
09:53unanime, on l'avait découvert
09:55si vous voulez. Et c'est à partir de
09:57cette pièce qu'il a commencé à
09:59beaucoup travailler. Le sexe
10:01faible je crois était à la fois
10:03un grand succès pour lui, et en même temps
10:05ça avait un peu
10:07désorienté sa carrière et son
10:09emploi, parce qu'il jouait là-dedans un gigolo.
10:11Et pendant très
10:13longtemps, on lui a fait jouer des
10:15rôles de ce genre, qui en fait
10:17n'étaient pas tellement dans sa vraie nature.
10:29La carrière de Pierre Brasseur au cinéma
10:31commence en 1925.
10:33Il tourne sous la direction de Léonce
10:35Perret, Madame sans gêne.
10:37C'est son premier film.
10:39Au total, Pierre Brasseur jouera
10:41dans 137 films.
10:43Brasseur a été
10:45l'un de ses derniers
10:47grands monstres sacrés.
10:49Le metteur en scène, Claude Autant-Lara.
10:51C'était un très grand acteur.
10:53Il était
10:55doué d'une manière exceptionnelle.
10:57Pour être un très grand acteur,
10:59il faut avoir un physique, d'abord.
11:01Il avait un grand physique,
11:03une très belle prestance.
11:05Il avait une voix merveilleuse,
11:07qui est énorme, ça agit beaucoup
11:09sur l'essence des gens.
11:11Il avait
11:13un don exceptionnel
11:15de ce métier,
11:17c'est-à-dire une intelligence de ses textes.
11:19En plus, ce qui est très important,
11:21c'est qu'il est un grand acteur.
11:23Il savait camper le personnage.
11:25Les personnages que Brasseur
11:27vous apporte la création d'un personnage
11:29qui fait que, tout d'un coup,
11:31le rôle devient extraordinaire.
11:33C'était ça, Pierre Brasseur.
11:35Ces messieurs du tout Paris parlent d'or,
11:37parlent de finance, parlent de chiffre,
11:39parlent d'art, parlent d'abondance,
11:41parlent métaphysique, voiture et politique.
11:43Ces messieurs parlent raison,
11:45leurs dames parlent pointue.
11:47Haute musique, haute cuisine, haute couture,
11:49haut chiffon.
11:51En gros, il devait classer les femmes en deux catégories,
11:53les putes et les autres, ce qui se fait beaucoup.
11:55L'actrice Elisabeth Viennet.
11:57Pour lui, la plupart des femmes étaient des putes,
11:59mais ça n'avait rien à voir avec
12:01les véritables prostituées.
12:03Par exemple, la directrice du théâtre,
12:05qui était une dame très digne,
12:07toujours habillée avec une ronde noire,
12:09une tête rose.
12:11A chaque fois qu'il la voyait, je dirais,
12:13il lui mettait la main,
12:15vous pensez, d'un air
12:17complètement trivial, parce que,
12:19je ne sais pas, il ne devait avoir aucun respect pour elle.
12:21Il y avait beaucoup de femmes pour qui
12:23il n'avait pas de respect du tout,
12:25et avec qui il se conduisait d'une manière assez odieuse,
12:27en leur sautant dessus ou en leur disant
12:29des insanités.
12:31Et puis il y en avait quelques-unes pour qui il avait vraiment
12:33beaucoup de respect.
12:35Les petites mômes, quoi,
12:37ils se plaisaient dans un sac vide et un lit froid.
12:39Ça, notre jeunesse,
12:41peut-être pour si marrante.
13:01Le plus grand amour
13:03de Pierre Brasseur s'appelle le théâtre.
13:05Il ne se sent bien que sur scène.
13:07Et là, la vie pour lui n'est
13:09jamais qu'une représentation
13:11avec des gens de tous les jours.
13:13Il a fait une exposition
13:15d'un peintre,
13:17je ne sais plus quel nom il s'était donné.
13:19Daniel Gélin.
13:21Un nouveau peintre, et il avait eu tout simplement
13:23le culot de tromper la queue d'un âne
13:25dans la peinture,
13:27et avec la queue de l'âne
13:29de balançant sur la toile,
13:31il a signé d'un nom,
13:33c'est encore une demi-heure.
13:35Il a fait une grande exposition dans Paris,
13:37des œuvres de ce nouveau peintre.
13:39C'était une des premières farces de Brasseur.
13:41C'était comme ça sans arrêt.
13:43Il aimait s'amuser,
13:45c'était un type qui aimait la vie,
13:47qui aimait les femmes,
13:49qui aimait tourner, qui aimait s'amuser.
13:51C'était un type qui avait un appétit
13:53absolument formidable à tous les points de vue.
14:03La nuit, sur les pavés de Paris,
14:05Pierre Brasseur part en tournée.
14:07Les restaurants,
14:09les cabarets,
14:11les boîtes de nuit.
14:13Quand Brasseur arrive quelque part,
14:15le spectacle est dans la salle.
14:17Les amis de la nuit ont le nom
14:19des femmes de rencontre,
14:21des verres que l'on boit pour outrager
14:23sa timidité,
14:25et toujours accompagnés
14:27de la musique,
14:29de la danse,
14:31de l'humilité.
14:33Et toujours à côté de lui,
14:35Pierre a ses valets de cœur,
14:37le joyeux Claude Dauphin
14:39et Dalio, le clown.
14:41On était toujours, nous,
14:43à l'affût de concours.
14:45Dalio évoque pour nous
14:47sa jeunesse avec Pierre Brasseur.
14:49Alors on était au concours de Miss Blanchisseuse,
14:51rue Maubeuge.
14:53Il y avait toujours des Miss ceci,
14:55des Miss cela,
14:57et nous on était président du jury.
14:59Vous aimiez tous les deux ?
15:01Non pas du tout, parce qu'il disait
15:03la laide est à toi.
15:05Marcel Dalio,
15:07Pierre Brasseur l'a rencontré dans sa jeunesse
15:09grâce à sa mère.
15:11Sa maman lui dit un jour,
15:13elle disait, il y a un vieux
15:15con, elle parlait comme ça à sa maman,
15:17il y a un vieux con
15:19qui saute et qui fait
15:21le fou et qui retombe sur la tête,
15:23faut que tu vois ça mon petit Pierre,
15:25tu te crois acrobate mais tu vas voir
15:27il s'appelle le vieux.
15:29Et elle l'emmenait voir, ce pauvre
15:31Pierre, un vieux qui joue aux deux âmes.
15:33Et moi je jouais
15:35des vieux parce que je savais pas
15:37que j'avais la tête du petit juif.
15:39Je n'ai su que vingt ans après,
15:41au moment de l'exil.
15:43Moi avant j'étais un fervent catholique,
15:45j'aurais foutu sur la gueule ceux qui m'auraient
15:47dit t'es un juif.
15:49Tu comprends ? Je les aurais pas cru puisque
15:51ça faisait pas partie de mon domaine.
15:53Moi c'était la caricature,
15:55les 10 heures,
15:57tous les terres de droite.
15:59Alors j'étais presque plutôt antisémite
16:01un petit peu, fatalement.
16:03Les chansonniers étaient toujours
16:05de droite, ils étaient du côté
16:07du manche. Y'avait pas des
16:09grands barbus qui remettent tout en place maintenant.
16:11Bon, alors
16:13pour revenir à Brassère, elle lui dit ça.
16:15Et à la fin
16:17de la revue, attend un
16:19jeune homme
16:21qui attend lui un vieux monsieur
16:23qui ne voit pas puisque moi
16:25j'avais aussi vingt ans.
16:27Et en attendant l'agneau, Pierre Brassère dessine.
16:29Il fait des croquis
16:31du spectacle qu'il vient de voir.
16:33Le petit vieux déguisé en régisseur
16:35de théâtre ou grimé en bellotero.
16:37Et tandis que Pierre continue
16:39de dessiner, attablé devant un
16:41verre de bière à la brasserie du coin,
16:43un jeune homme se tourne vers lui.
16:45Visiblement il s'intéresse à ses dessins.
16:47Pierre Brassère s'entend dire
16:49par le jeune homme,
16:51c'est moi que vous êtes en train de dessiner.
16:53Pierre se demande comment
16:55un homme aussi jeune peut composer des personnages
16:57aussi justement vieux et émouvants.
16:59Et puis
17:01il me regarde.
17:03On se regarde, il me dit
17:05mais vous êtes, j'ai dit je suis d'Alliaux.
17:21D'Alliaux et Brassère,
17:23c'est le début d'une grande amitié
17:25qui durera toujours.
17:27Ils ont le même amour du théâtre, de la vie,
17:29lorsqu'elles ressemblent à une comédie
17:31et des femmes lorsqu'elles sont pleines de mauvaise vie.
17:33Pourtant à l'origine,
17:35ils n'avaient rien de commun.
17:37Pierre Brassère, l'enfant de la balle
17:39et Marcel d'Alliaux, le petit réfugié
17:41juif du quartier du Marais.
17:43Moi donc j'habitais là
17:45avec les 14 filles car ma
17:47grand-mère avait 14 filles
17:49et n'avait pas de garçon.
17:51Marcel d'Alliaux, j'étais le chouchou.
17:53Seulement fallait coucher dans ses bras
17:55et les bras de grand-mère sentaient le harmonceau.
17:59Et c'était affreux pour moi
18:01parce qu'il y avait, dans la même boutique
18:03au premier, il y avait un petit bordel
18:05pour catholiques, pour Goyes,
18:07pour les ponviers de la rue Thuraine.
18:09Il y avait tout ça.
18:11Et alors là c'était arrière parce qu'elle me couvrait
18:13de bambous, de baisers
18:15avec des vieux parfums chez Bollat,
18:17Bichara et tout ça.
18:19Mais tout ça ne ressemblait pas à l'odeur
18:21de ma grand-mère.
18:23J'ai connu les femmes.
18:25La Goye de Paris, les petites mômes qui traînent leur cœur dans la rue,
18:27les copains, malades d'amitié,
18:29tout ça, cette vie en vrac,
18:31Pierre Brasseur la retrouve
18:33chez une femme.
18:35Une femme qui chante tout ça, c'est Édith Pia.
18:37C'était tout ça.
18:39Et tu l'as été tout de suite
18:41lorsque je t'ai vue pour la première fois chez mon pote
18:43Lepley.
18:45Si je t'ai pas fait du gringue, c'est que je me suis dégonflé.
18:47Et qu'un corniau de maître d'hôtel
18:49m'a dit, elle est accompagnée.
18:51Or sans ça je pensais.
18:53J'étais mignon dans ce temps-là.
18:55Ou ça se serait sûrement arrangé.
18:57Enfin je me console en pensant
18:59que j'ai ton amitié et que je l'aurais peut-être plus.
19:01Ça vaut mieux que
19:03toutes les nuits d'amour.
19:05Ce que tu représentes de rare
19:07sur notre planète,
19:09ça, ça veut dire à Paris,
19:11c'est que tu as toujours su
19:13t'entourer d'étoiles.
19:15C'est-à-dire de ce qu'il y avait de plus brillant.
19:17Que ce soit poète, compositeur,
19:19amant d'un jour
19:21ou à l'année.
19:23T'en faisais des vedettes ou des maris.
19:25Les seconds étaient moins grattés que les premiers.
19:27Mais tout aussi fiers,
19:29faut bien le dire.
19:31Ma pote, je t'embrasse.
19:43Mon cœur
19:47Mon cœur
19:49Et pourtant
19:53Il y aura
19:55toujours un pauvre
19:57chien perdu
19:59Quelque part qui m'empêchera
20:01d'être heureuse
20:03Il y aura toujours
20:05dans un journal du soir
20:07Une gosse de vingt ans
20:09qui meurt de désespoir
20:13Voyage
20:17Mirage
20:21Heureux
20:27Nous deux
20:31Et pourtant
20:35Il y aura
20:37toujours un pauvre
20:39chien perdu
20:41Quelque part
20:43qui m'empêchera
20:45d'être heureuse
20:53Cette chanson que vient de chanter Edith Piaf,
20:55c'est Pierre Brasseur
20:57qui l'a écrite spécialement pour sa pote.
21:11A cette époque,
21:13Pierre Brasseur impressionne la petite môme
21:15qui deviendra Piaf.
21:17Car il est célèbre Brasseur.
21:19Il a joué le sexe faible au théâtre.
21:21Il a eu du succès.
21:23On lui propose de tourner des films pour une compagnie
21:25de production allemande, la Ufa.
21:41A ce moment-là,
21:43Berlin est la capitale du cinéma.
21:45Tous les acteurs rêvent d'y travailler.
21:47Les producteurs américains
21:49visitent sans arrêt
21:51les studios berlinois
21:53et les studios américains
21:55pour s'entraîner
21:57dans l'univers du cinéma.
21:59Le cinéma est un lieu
22:01où tous les acteurs
22:03rêvent d'y travailler.
22:05Les producteurs américains
22:07visitent sans arrêt
22:09les studios berlinois
22:11pour trouver les meilleurs acteurs, scénaristes
22:13et metteurs en scène.
22:15Quand Pierre Brasseur reçoit le télégramme
22:17du représentant en France
22:19de la Ufa, il est fou de joie.
22:21Il se voit déjà la nouvelle superstar
22:23du cinéma mondial.
22:25Alors, sûr de son génie
22:27et ivre d'inconscience,
22:29il demande 30 000 francs de cachet par semaine.
22:31C'est ce que gagne à l'époque Henri Garat,
22:33la plus grosse vedette française.
22:35La compagnie de production lui offre
22:3719 000 francs.
22:39Pierre Brasseur signe tout de suite,
22:41encore sous la peur d'avoir failli rater l'affaire
22:43à cause de ses exigences puérées.
22:57La Berlin commence pour Pierre Brasseur
22:59d'inoubliables aventures.
23:01Il tourne de grands films avec des vedettes
23:03de toute l'Europe. Malheureusement,
23:05ils disparaîtront dans un incendie
23:07provoqué par un bombardement à la fin
23:09de la guerre de 1940.
23:11De film en film,
23:13les cachets de Pierre Brasseur augmentent.
23:15Son train de vie aussi.
23:17Il se déplace en voiture
23:19avec chauffeur. Dans son appartement
23:21grand luxe, il organise
23:23des fêtes somptueuses.
23:25Son secrétaire, ami, homme de confiance,
23:27un Russe qui a perdu toute sa fortune,
23:29se charge de l'organisation.
23:31Joseph Kessel
23:33Il le fait de temps en temps.
23:35Ces soirs-là, il y a de la casse.
23:37On boit la Russe, on danse comme des Cossacks,
23:39les femmes se pâment,
23:41ça donne des idées aux hommes.
23:43Brasseur, lui, est amoureux
23:45de la maîtresse d'un grand écrivain,
23:47Éric Maria Remarque.
23:49Il avait aussi des fréquentations
23:51extrêmement, probablement pour lui,
23:53très enrichissantes, qu'il adorait.
23:55Edwige Feuillère. Il avait des fréquentations
23:57qu'on appelle douteuses.
23:59C'est-à-dire qu'il passait ses nuits
24:01dans des endroits...
24:03Certainement, il a beaucoup vécu,
24:05il a beaucoup...
24:07Il a connu des gens très curieux.
24:09Il y avait quelque chose de maléfique en lui,
24:11toute une partie.
24:13Et à côté de ça, un coeur d'enfant.
24:15Il était capable de grande générosité.
24:17Brasseurs
24:19Brasseurs
24:21Brasseurs
24:23Brasseurs
24:25Brasseurs
24:27Brasseurs
24:29Brasseurs
24:31Brasseurs
24:33Brasseurs
24:35Brasseurs
24:55Frédéric Lemaître dans Les enfants du Paradis.
24:57On dirait plutôt Frédéric le Maître dans le rôle de Pierre Brasseur.
25:01En fait, on rêvait d'une chose, c'est d'écrire une pièce sur les régimes sociaux,
25:07c'est-à-dire sur les mineurs qui se mettaient en grève.
25:10Marcel Dalio.
25:11On ne connaissait rien, on avait tous les culots,
25:14on a écrit plusieurs pièces comme ça, et c'était ça le cocasse.
25:17Parce qu'il se fâchait, on lui disait, mais qui écrite vous deux ?
25:21Bien sûr que c'est Marcel, puisque c'est moi qui dicte.
25:24Pierre Brasseur et Marcel Dalio passent beaucoup de temps
25:27à mettre au point leur pièce sur la vie des mineurs.
25:30Ils ont choisi le titre, ça s'appellera Grisou.
25:33On habitait Faugourg-Saint-Honoré, en face de l'ambassade d'Angleterre.
25:38Les souvenirs de Marcel Dalio.
25:40Alors, très très innocemment, il ouvrait les rideaux, lui,
25:43et c'est celui qui répète sérieusement,
25:46mais complètement le kiki à l'air, et puis moi aussi.
25:49Mais il faisait ça, il répétait comme ça,
25:51et on sent qu'on tirait en face, alors le ministre anglais tirait les rideaux et tout ça.
25:59Et on faisait monter du champagne,
26:01et puis les petites filles qui étaient là, on disait, attends,
26:04et puis on va venir s'occuper de toi.
26:06Et on commençait à parler de Grisou.
26:09Et trois heures après, on voyait les poules à poils,
26:12ils disaient, ben alors, on s'occupe pas de nous,
26:14qu'est-ce qui se passe ? C'est endormi.
26:22Claude Brasseur est le fils qui est né de l'union de Pierre Brasseur avec Odette Joyeux.
26:28Nous n'avions pas de rapport père-fils.
26:32Claude Brasseur.
26:33Ce qui me choque, et ce que je n'aime pas du tout,
26:35c'est cet investissement de l'amour que font les parents sur leurs enfants.
26:40C'est ce que j'appelle, et que j'ai appelé un jour dans une interview,
26:44l'amour capitaliste.
26:45C'est-à-dire qu'on a l'impression que, très souvent,
26:49quelques parents, et pour moi c'est la majorité,
26:53aiment leurs enfants indéniablement, indiscutablement,
26:57et font beaucoup de choses pour eux indiscutablement.
27:01Mais, un jour, comme si cet amour,
27:05comme si tout ce qu'ils ont fait pour leurs enfants était un investissement,
27:09un jour, ils s'arrêtent, non pas d'aimer, mais ils s'arrêtent et ils disent,
27:14bon, alors maintenant, tout ce que j'ai investi,
27:16je voudrais toucher mes pourcentages,
27:17et je voudrais toucher des dividendes de cet amour.
27:20Moi j'ai fait ci pour toi, moi j'ai fait ci pour toi,
27:22alors maintenant, qu'est-ce que tu vas faire pour moi ?
27:25C'est une notion, moi, qui ne me plaît pas.
27:28Et ce qui me plaisait donc énormément chez mon père,
27:32c'est qu'il n'y avait absolument pas cette notion-là.
27:35On était copains, mais il n'y avait pas de rapport paternaliste, pas du tout.
27:39Sur la scène, il y a ma joie, maquillée en musique.
27:43Sur la scène, il y a mon choc qui a tout juste 20 ans.
27:46Sur la scène, il y a Paname et sa claque et sa clique.
27:49Sur la scène, il y a mes potes qui me traînent depuis 12 ans.
27:52Sur la scène, il y a une ombre qui m'a fait des souvenirs.
27:55Sur la scène, il y a la mort qui m'attend dans son trou.
27:59Sur la scène, il y a des mains qui battent des sourires.
28:04Dans la salle, il y a le public.
28:07Scène, théâtre, nous !
28:15Sur la scène, une chanson écrite par Léo Ferré
28:18et interprétée par Catherine Sauvage.
28:20Catherine Sauvage sera la dernière compagne de Pierre Brasseur.
28:24Oui, car Odette Joyeux et Pierre Brasseur
28:26vont se séparer quelques années après leur mariage.
28:29C'était un inquiet, contrairement à ce qu'on pourrait penser.
28:32Catherine Sauvage a partagé la vie de Pierre Brasseur pendant 8 ans.
28:36L'image de Marc de Pierre, pour le public,
28:38c'est keen, c'est les enfants du paradis,
28:41c'est un personnage sûr de lui,
28:43c'est un personnage un peu matamor.
28:47Or, Pierre, dans la vie, était le contraire de ça.
28:49C'était quelqu'un de très timide,
28:51qui détestait se faire remarquer.
28:55Vraiment très discret, très timide.
28:58Et en plus, pas du tout sûr de lui.
29:01Quand il devait faire une télé, une interview.
29:04Je ne parle pas d'une dramatique, je parle d'une interview.
29:07Il en dort, mais pas de la nuit.
29:32De théâtre en studio,
29:34Pierre Brasseur mène une prodigieuse vie d'acteur.
29:37Au fil des années, il mûrit dans son art
29:40et devient ce que Cocteau nommait « les monstres sacrés ».
29:44Quand j'ai commencé, par exemple, à changer un peu,
29:47à m'arrêter de faire du sport,
29:49j'ai commencé à faire du sport,
29:51j'ai commencé à faire du sport,
29:53j'ai commencé à faire du sport,
29:55j'ai commencé à faire du sport,
29:57j'ai commencé à faire du sport,
29:59j'ai commencé à faire du sport,
30:02et à grossir un peu,
30:03changer, perdre un peu de ligne, etc.
30:06A ce moment-là, je me suis dit,
30:08je vais attaquer les rôles forts.
30:10Et puis petit à petit, ça a commencé par Barbe Bleue,
30:13et puis au cinéma,
30:15puis ensuite,ívier le bon Dieu, etc.
30:17Quand il arrivait dans un théâtre
30:20avec lequel il avait signé
30:22pour jouer une pièce,
30:24Claude Brasseur évoque les méthodes de travail de son père.
30:27la deuxième ou troisième représentation, il demandait au moins 3-4 brochures. Alors on se disait, tiens qu'est-ce qu'il
30:34va fabriquer de toutes ces brochures quand même, on doit faire lire ça. En fait, à quoi servait-elle ?
30:42Il y en avait une de ces brochures qu'il laissait dans son entrée ou presque même à la rigueur au
30:48théâtre ou dans sa voiture, qui traînait comme ça tout le temps avec lui partout, dans les bistrots,
30:53les restaurants, qui était donc toute salingue, toute cornée, toute pleine de tâches, de gras,
30:59des choses comme ça, qui était vierge comme ça. C'est la brochure de Pierre. Mais chez lui, il
31:06avait les trois autres brochures qui étaient noires, noires, noires, noires de notes, de réminiscences,
31:11de souvenirs, de trucs qu'il avait vécu, que lui rappelait cette scène, de choses auxquelles il
31:17voulait penser, enfin de quantité de... C'était, mais noires de notes la brochure, les trois brochures,
31:23petit à petit devenaient complètement illisibles. C'est-à-dire, il en orchissait une, puis quand il y
31:27en avait une qui était complètement noire de notes, il était obligé d'en prendre une autre. Et ces trois
31:31brochures-là, personne n'y touchait. Elle restait dans son bureau, chez lui, à sa table de travail,
31:35et personne n'y touchait. Et puis hop, il arrivait au théâtre avec cette espèce de brochure dont je
31:41parlais tout à l'heure, qui elle n'avait rien et il ne voulait pas avoir l'air d'avoir ces brochures
31:46à noter, etc. Il arrivait avec son bagage de travail qu'il faisait seul, chez lui ou autre part,
31:51je ne sais pas, mais il ne voulait pas avoir l'air. Sa cuisine intérieure ne regardait strictement personne.
31:57Mais au théâtre, c'était un inquiet, même pas seulement quand il répétait...
32:11Catherine Sauvage.
32:12Quand il répétait, alors quand on arrivait à dix jours de la générale, alors là, c'était vraiment
32:16la catastrophe. Enfin, c'est-à-dire qu'il se relevait trois fois dans l'ennemi pour savoir si au
32:20deuxième acte il rentrait comme ça, ou il rentrait comme ça, s'il disait ça comme ça, ou s'il disait
32:25ça autrement. Et quand il jouait, quand c'était déjà établi et qu'il jouait déjà depuis un certain
32:30temps, n'importe qui allait le voir. Il faisait une réflexion, mais vraiment des gens pas du tout
32:34de métier. Il n'endormait pas de l'ennemi, il était d'une sensibilité aux critiques, quels qu'ils
32:41soient, il était très, très, très inquiet. Pierre Brasseur traverse la vie comme une scène de théâtre.
33:10Il garde toujours une réplique dans sa barbe, un rôle pour une femme, son cœur pour un ami et une
33:15farce dans la tête. Pour faire une blague, il aurait commandé, s'il voyait par exemple dans
33:21Donville, dans la grande salle. Marcel Dalio. Une dame bien coiffée avec des cheveux blancs, la
33:27Marilyn Monroe, il commandait des spaghettis. Il arrive à la place spaghettis, il se le mettait sur la
33:33tête. Eh bien, il n'y a pas de goût qu'il sortait du coiffeur. Il lui faisait ça. Comme ça, il le faisait.
33:38Alors ça, ça coûtait 18 000 francs parce qu'il y avait partout du beurre, il y en avait partout.
33:43Mais il a toujours vécu, quelle que soit la période de sa vie, il a toujours vécu au-delà de ses moyens
33:53et au-dessus de ses moyens. Georges Herbert. Il achetait des propriétés, il se faisait rouler
33:59comme dans un bois par les gens, il se faisait voler. Quand il était ivre, il avait en général
34:07toujours beaucoup d'argent sur lui. Bien sûr, ses compagnons de beuverie, très souvent, qui étaient
34:12n'importe qui, qui étaient des gens qu'il ne connaissait pas, qu'il rencontrait dans un café.
34:16Et puis, il était célèbre. On savait que si on lui faisait boire un petit coup, il ne serait plus
34:20très conscient de ce qu'il faisait. Comme par hasard, son portefeuille disparaissait. Nombre de
34:26fois où il a été volé, c'était extraordinaire. Alors, il avait en général beaucoup d'argent sur
34:32lui. Il n'a jamais su gérer son patrimoine. Il achetait une propriété, tout d'un coup, on ne sait pas
34:39pourquoi, parce qu'elle lui plaisait, parce qu'il avait le béguin pour elle. Il n'y allait jamais.
34:43Il faisait des travaux inconsidérables dans cette propriété. Et puis, quand il avait besoin d'argent,
34:48il la revendait pour le dixième de ce qu'elle lui avait coûté. Mais Brasseur n'a plus 20 ans.
34:53La vie d'artiste lui joue parfois des tours. En 1972, il tombe gravement malade à Montréal au
35:01cours d'une tournée théâtrale. Jean Gerbert, le producteur de la pièce, se souvient de ces moments
35:06difficiles. C'est le voyage de Paris au Canada qui a vraiment déclenché. Il n'a pas supporté ce
35:14voyage long et tout de même fatigant. Son corps, déjà très diminué, ne l'a pas supporté. Il est
35:20entré normal dans l'avion. Et quand il est arrivé au Canada, il avait 100 ans. C'était un vieillard,
35:28alors que c'est un homme encore dynamique. Et il a réussi tout de même, car il avait un courage
35:33extraordinaire. Et le théâtre ou le cinéma, c'était sa vie. Et pour lui, ne pas assurer une
35:41représentation qui était prévue, c'était un désespoir. Il a donc voulu jouer à tout prix,
35:46non pas le jour même de l'arrivée. Il en aurait été bien incapable. Mais on avait deux jours
35:51d'horloge pour préparer le spectacle, faire les conférences de presse, etc. Donc, le troisième
35:56jour de notre arrivée, il a assuré une représentation, qu'il a pu aller jusqu'au bout,
36:00dans un état d'épuisement total. Et dès le lendemain, il est entré à l'hôpital où il
36:06est resté un mois et où il a été soigné de manière miraculeuse. Et logiquement,
36:11on n'aurait pas dû le sauver. La mort, Pierre Brasseur vient de la voir
36:26en face et de lui échapper. Il faisait trop de choses. Il disait, je fais toujours quelque
36:31chose comme ça, elle ne peut pas m'attraper. Les confidences de Marcel Dalio sur Pierre Brasseur
36:35et la mort. Alors, où il écrivait, où il peignait, où il sortait avec des naigresses. Il faisait des
36:43choses dont il n'avait même pas envie. Alors, il dépensait ses quelques sous. Un chauffeur venait,
36:49on l'emmenait dans des petites rues et puis payait à boire à tout le monde.
36:56Lundi, 14 août 1972. Pierre Brasseur tourne un film en Italie. Il y a là Claude Dauphin,
37:16Michel Simon, Charles Vanel. Ce soir-là, ça ne va pas bien. Il n'a rien pu manger de la
37:21journée. À 8 heures du soir, il est assis à la terrasse de son hôtel. Il a du mal à finir son
37:27troisième whisky. Claude Dauphin lui conseille d'aller se coucher. Ça va mal car il accepte ce
37:33genre de conseil. Aidé par sa secrétaire, Pierre Brasseur monte dans sa chambre. Quelques minutes
37:39après, la secrétaire redescend affolée. Pierre est haletant, livide, il cherche son souffle. On
37:46appelle un docteur. Brasseur est mort. Au même moment, dans sa chambre, une servante de l'hôtel
37:53est entrée. Ignorant tout, elle a porté la bouteille de champagne que Pierre Brasseur venait
37:58de commander avant de mourir. Jojo, je te quitte au matin pour de vagues besognes. Parmi quelques
38:10ivrognes, des amputés du cœur qui ont trop ouvert les mains. Jojo, je ne rentre plus nulle part. Je
38:20m'habille de nos rêves. Orphelin jusqu'aux lèvres, mais heureux de savoir que je te viens déjà. Six
38:33pieds sous terre, Jojo, tu n'es pas mort. Six pieds sous terre, Jojo, je t'aime encore.
38:46Jacques Brel. Jacques Brel, Pierre Brasseur l'aimait. Il l'avait découvert un soir à Bruxelles. C'est
39:00sa mère qui lui avait dit, va voir ce gars-là ou écoute ses disques. Il y a été et il ne l'a pas
39:07regretté. Pas plus que la première fois où il a entendu sa mère dire cette petite phrase, va voir
39:12ce gars-là. Ce jour-là aussi il y était allé et il avait rencontré plus qu'un grand artiste, l'ami
39:19de toute sa vie, Marcel Dalio. Et je n'ai su que par la suite qu'il a hésité longtemps à se faire
39:26appeler, non pas Pierre Brasseur, mais Pierre Sarah Bernard Brasseur.
39:56Europe 1. Écoutez aussi l'épisode suivant en vous abonnant gratuitement sur votre plateforme d'écoute.
OSZAR »