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Le 21 mai 2025, la commission des finances du Sénat organisait une table ronde sur l'impact en France du protectionnisme américain, en présence de trois experts : Isabelle Méjean, économiste et membre du Conseil d'analyse économique, Thomas Grjebine, économiste au Centre d'études prospectives et d'informations internationales (CEPII) et Raul Sampognaro, économiste au département Analyse et prévision de l'OFCE. L'audition brosse le tableau d'une situation mondiale fortement marquée par l'incertitude économique et d'une menace chinoise toujours présente, bien que camouflée par la politique commerciale de Donald Trump. Les économistes calculent une baisse de 0,1% de la croissance française par rapport aux premières prévisions de croissance. L'impact sur l'économie française est donc assez limité, notamment par rapport aux autres pays européens qui sont plus industrialisés. L'économiste Raul Sampognaro s'est voulu rassurant, rappelant que l'on "est pas du tout dans l'effondrement du commerce mondial comme dans la crise financière globale de 2008 ou dans la crise Covid". Il a également mentionné les trois industries les plus touchées par cette crise commerciale en France : "l'automobile, l'aéronautique et la métallurgie". Année de Production :

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00:00:00Bonjour à tous, ravi de vous retrouver sur Public Sénat pour un nouveau numéro de 100% Sénat,
00:00:13l'émission qui vous fait vivre les travaux de la Haute Assemblée.
00:00:16Comment l'Union Européenne peut-elle faire face à la guerre commerciale déclenchée
00:00:20par Donald Trump ? Actuellement, Européens et Américains sont en train de négocier
00:00:24de nouveaux tarifs douaniers, mais la semaine dernière, le président américain a menacé
00:00:29d'imposer aux Européens des tarifs douaniers de 50% à partir du 1er juin, avant finalement
00:00:34de reporter sa menace au mois de juillet prochain.
00:00:37Pour parler de cette guerre commerciale, le Sénat a organisé une table ronde avec
00:00:40des économistes.
00:00:41Merci de m'avoir invitée avec mes collègues pour parler de ces sujets de guerre commerciale.
00:00:49Il y a déjà une introduction assez détaillée sur la situation actuelle dont je vais essayer
00:00:57de parler dans mon introduction.
00:01:00Aujourd'hui, la situation, c'est une augmentation des droits de douane qui est unilatérale
00:01:07et universelle sur tous les biens importés par les États-Unis, pour lesquels les droits
00:01:12de douane ont été augmentés à 10 points de pourcentage, plus, et c'est important
00:01:17notamment pour l'économie européenne, des droits de douane spécifiques sur l'acier
00:01:21et l'aluminium qui ont été portés à 25%, et une augmentation de 25 points de pourcentage
00:01:26sur l'automobile et les pièces automobiles.
00:01:29Et puis, par ailleurs, reste plane cette menace de droits de douane réciproques, pour lesquels
00:01:35on est pour l'instant dans une situation de pause, mais qui concerne tous les pays
00:01:40qui sont en excédent commercial sur la balance des biens par rapport aux États-Unis, y compris
00:01:45donc l'Union européenne.
00:01:47Et comme ça a été rappelé, ces droits de douane, c'est finalement dans la continuité
00:01:54de l'obsession de Donald Trump sur les questions de politique commerciale, qui s'était déjà
00:01:58matérialisée dans le premier mandat Trump par une première guerre commerciale, qui
00:02:06avait pris une forme assez différente, avec des augmentations de droits de douane beaucoup
00:02:12plus ciblées sur certains types de biens, mais d'une ampleur très importante également,
00:02:17avec une augmentation qui portait sur un total de 18% des importations américaines,
00:02:24donc un volume beaucoup plus faible, mais une augmentation des droits de douane en moyenne
00:02:30de 4 à 26% sur les produits qui avaient été ciblés, avec un ciblage qui était déjà
00:02:37à la fois sectoriel et spécifique à certains pays, donc il y avait déjà des cibles spécifiques
00:02:44sur l'acier, l'aluminium, certaines machines électriques, et puis un ciblage plus spécifique
00:02:53sur les importations depuis la Chine, avec des arguments qui étaient à la fois économiques
00:02:59et géopolitiques.
00:03:00La raison pour laquelle je reviens là-dessus, c'est que cette première guerre commerciale,
00:03:04elle nous a fourni beaucoup de données statistiques, et ça nous fournit une première expérience
00:03:09naturelle, d'une certaine manière, qu'on peut utiliser aujourd'hui pour essayer de
00:03:12réfléchir à l'impact possible de la politique commerciale. Il faut rappeler qu'avant ça,
00:03:17on n'avait pas eu d'expérience de cette nature depuis les années 30. Donc ici, on
00:03:21est dans un monde où on a très peu d'expérience de politique de ce type et de cette ampleur.
00:03:28Il y a les années 30, puis la première guerre commerciale, et aujourd'hui une deuxième
00:03:34guerre commerciale qui est de nature un peu différente, parce qu'elle concerne tous les
00:03:38biens importés par les États-Unis, avec une ampleur assez importante.
00:03:42Ce qu'on a appris de la première guerre commerciale sino-américaine de 2018, c'est
00:03:48que finalement, les modèles théoriques qu'on utilise ne fonctionnent pas si mal que ça,
00:03:53les hypothèses qui sont faites dans ces modèles sont finalement assez bien validées
00:03:58par ce qu'on a observé. En particulier, un des éléments qui est toujours un peu
00:04:03en discussion dans ces modèles de politique commerciale, c'est quel est l'impact des
00:04:09tarifs sur les prix de vente, sur les prix à l'importation, et en particulier, dans
00:04:17quelle mesure est-ce que ces droits de douane vont être absorbés par les entreprises exportatrices
00:04:23étrangères versus payés par les consommateurs dans le pays qui impose les droits de douane.
00:04:28Dans le cas de la guerre commerciale sino-américaine, il y a eu beaucoup de travaux là-dessus
00:04:32qui sont assez unanimes pour montrer une répercussion intégrale des tarifs sur l'économie américaine.
00:04:39Donc c'est vraiment les Américains qui ont payé les droits de douane, contrairement
00:04:43à ce qui est répété et martelé par Donald Trump, ce n'est pas les entreprises étrangères
00:04:48qui payent, c'est les consommateurs américains. Comme les prix augmentent quasi proportionnellement
00:04:56dans le pays de destination, on a évidemment une baisse très importante des quantités
00:04:59qui sont importées, via un effet très standard d'élasticité prix de la demande, donc une
00:05:07baisse des quantités importées, et un effet macroéconomique sur le PIB américain qui
00:05:13a été estimé autour de moins 0,13 points de PIB, c'est 25 milliards de dollars, quand
00:05:21on cumule l'effet de tous les tarifs mis en place en 2018-2019 par les Etats-Unis.
00:05:28Donc c'est un effet qui est relativement limité dans un pays avec des droits de douane
00:05:33qui ont concerné uniquement 20% des importations américaines, et dans un pays qui est globalement
00:05:39une économie fermée, les Etats-Unis c'est un pays qui a un taux d'ouverture relativement
00:05:43faible et donc les droits de douane, même quand ils sont importants, ils ont un impact
00:05:47sur l'économie qui reste assez limité. Donc 0,13 points de PIB, ils se divisent
00:05:55lui-même en différentes composantes. Les consommateurs américains ont payé moins
00:06:010,6 points de PIB en termes de perte de consommation réelle, les prix des biens produits à l'étranger
00:06:08augmentent, ça augmente les prix de vente et ça réduit la consommation réelle des
00:06:13consommateurs. Donc moins 0,6 points de PIB qui est compensé en partie par une augmentation
00:06:19des profits des entreprises domestiques qui font face à moins de concurrence donc qui
00:06:23peuvent augmenter leur taux de marge, et des revenus tarifaires à l'époque estimés
00:06:28à plus 0,30% de PIB. Donc ça c'est ce qui s'est passé en 2018-2019 et de manière générale
00:06:36encore une fois ce que ça nous apprend c'est que les modèles relativement simples qu'on
00:06:40utilise en commerce international pour estimer l'impact de ce genre de politique sont assez
00:06:46bien validés par les données. Donc après qu'est-ce qu'il se passe aujourd'hui ? Donc
00:06:50comme ça a été dit c'est une politique commerciale qui est un peu différente en
00:06:55termes de nature notamment parce qu'au moins à l'heure d'aujourd'hui la politique commerciale
00:07:00est très peu discriminatoire entre pays, c'est 10% sur tout le monde, tous les produits
00:07:04qui entrent aux Etats-Unis, à l'exception de ces tarifs sectoriels sur l'acier, l'automobile
00:07:12et l'aluminium. Et c'est une politique commerciale qui est de plus grande ampleur puisqu'elle
00:07:19concerne l'intégralité des importations américaines. Quel est l'effet potentiel
00:07:24sur l'économie française ? Moi je vais parler un peu de simulations qu'on a faites au sein
00:07:30du CAE. On a sorti la semaine dernière ou il y a deux semaines un joint statement avec
00:07:36le conseil d'analyse économique français et de l'équivalent allemand. Donc on a fait
00:07:43une déclaration commune sur ces sujets où on a à la fois discuté de l'impact potentiel
00:07:50de ces mesures et on a discuté aussi, je ne sais pas si on reviendra peut-être là-dessus,
00:07:55des représailles possibles, de la riposte possible européenne. Donc dans ce joint statement
00:08:00ce qu'on a fait c'est qu'on a simulé à partir de deux modèles de commerce international
00:08:05celui du CEPI et celui du Kiel Institute en Allemagne les mêmes scénarios. Et ces scénarios
00:08:11c'est le scénario du 9 avril qui n'est plus celui d'aujourd'hui parce que c'est un peu
00:08:18une situation où les scénarios changent tous les jours. Donc on a un scénario dit du 9 avril
00:08:22qui correspond au scénario actuel avec à l'époque les droits de douane prohibitifs sur les États-Unis
00:08:29et la Chine. Donc c'est la seule différence par rapport à aujourd'hui, c'est-à-dire des tarifs
00:08:33de 10% sur tout le monde plus les tarifs spécifiques à certains secteurs. Et on compare avec un scénario
00:08:40du 2 avril dans lequel on aurait en plus de ça des tarifs réciproques et donc une politique
00:08:45commerciale qui serait discriminatoire par rapport entre les pays. Dans le scénario disons d'aujourd'hui
00:08:52du 9 avril, les estimations de ces deux modèles sont très concordantes. Il y a des différences
00:08:58d'hypothèse, d'horizon temporel. C'est plutôt des modèles de long terme. Raoul parlera un peu
00:09:06plus de tout ce qui concerne les éléments plus conjoncturels. Mais donc ici, on est plutôt sur
00:09:11des éléments de long terme. Et ces deux modèles, même s'ils ont des hypothèses un peu différentes,
00:09:16ils retrouvent des résultats qui sont très concordants. Et c'est aussi pour ça qu'on voulait
00:09:20comparer ces résultats. Dans le scénario actuel, l'impact sur la France et l'Europe, généralement,
00:09:28est relativement limité. Donc on trouve autour de moins 0,1 point de PIB pour la France de manière
00:09:34permanente. Tant que les tarifs sont en place, on a une perte de consommation et d'output réel en
00:09:40France de l'ordre de 0,1 point de PIB. Un peu plus élevé pour l'Europe dans son ensemble, ce qui est
00:09:47assez intuitif. La France est fortement désindustrialisée donc est relativement peu exposée à la
00:09:53politique commerciale par rapport à d'autres pays comme l'Allemagne ou comme les pays d'Europe de
00:09:57l'Est. Donc l'effet pour l'Europe reste relativement limité. Et l'impact le plus important, il est
00:10:07évidemment payé par les États-Unis avec un impact sur le PIB de l'ordre de 1 à 1,5 point de PIB.
00:10:12Donc beaucoup plus élevé que ce qu'on a eu pendant la guerre commerciale sino-américaine parce que ça
00:10:17concerne beaucoup plus de biens. Donc pour l'économie française, l'effet reste assez limité.
00:10:24Mais il y a évidemment beaucoup d'hétérogénéité selon les secteurs. Il y a des secteurs qui sont
00:10:29beaucoup plus exposés que d'autres. Donc en particulier pour la France, pour l'Europe en
00:10:33général, ce qui est très coûteux, c'est les tarifs sur l'automobile, l'acier et l'aluminium parce que
00:10:41ça va toucher directement à un des avantages comparatifs importants de l'Europe dans le secteur
00:10:47des équipements de transport. Donc par exemple pour la France, le CPI estime une baisse de production
00:10:56dans les secteurs des équipements de transport de l'ordre de 3,1%. Donc des effets qui sont quand
00:11:02même assez nettement plus importants. Et puis le dernier élément quantitatif, c'est ce qui se passe
00:11:08si après la pause de trois mois, on va vers un scénario où on a des droits de douane réciproques.
00:11:16Dans ce cas-là, évidemment, c'est beaucoup plus coûteux pour l'Europe parce que l'Europe est en
00:11:20excédent commercial vis-à-vis des États-Unis. Donc fait face à ces tarifs dits réciproques. Et puis en
00:11:29plus, c'est un scénario qui est beaucoup plus complexe parce que comme il y a une politique
00:11:34commerciale qui est discriminatoire, il y a beaucoup d'effets de bord. On perd en compétitivité par
00:11:39rapport à certains pays pour lesquels on n'a pas ça dans le scénario où tout le monde fait face à
00:11:47un tarif de 10%. Donc en gros dans ce scénario, les droits de douane réciproques seraient appliqués. Les
00:11:52pertes économiques sont environ doublées pour l'Europe avec des effets qui vont être beaucoup
00:11:57plus importants sur tous les secteurs exportateurs de la France, l'agroalimentaire, le luxe, les
00:12:02produits chimiques, etc. Ça c'est ce qu'on obtient dans ces modèles de commerce un peu simples. Pour
00:12:08finir, je vais peut-être juste évoquer certains risques additionnels pour lesquels la quantification
00:12:13est peut-être un peu plus difficile et peut-être sur lesquels Thomas et Raoul vont en revenir.
00:12:18Donc le premier élément qui est un peu compliqué, c'est que dans un scénario où la politique
00:12:24commerciale devient discriminatoire, donc si tous les pays ne font pas face aux mêmes barrières
00:12:29tarifaires, on a des effets pour l'économie européenne qui vont être potentiellement
00:12:35accentués par le fait que l'économie européenne peut perdre en compétitivité par rapport à certains
00:12:42de ses concurrents directs. Par exemple, le Royaume-Uni est en déficit commercial vis-à-vis des
00:12:47États-Unis, donc ne fait pas face à un tarif réciproque. Le Royaume-Uni exporte vers les
00:12:54États-Unis des biens qui sont assez concurrents avec ceux de la France et donc là il y a un effet
00:12:58de perte de compétitivité qui peut être un peu plus important, qui est intégré dans nos modèles
00:13:04mais avec une quantification qui dépend beaucoup d'hypothèses sur lesquelles il y a une forme
00:13:09d'incertitude sur l'ampleur de ces effets. Il y a aussi des effets possibles qu'on appelle de
00:13:14diversion, c'est-à-dire que quand un pays par exemple comme la Chine perd l'accès au marché
00:13:19américain, il y a des surplus de production qui vont s'écouler et qui vont devoir s'écouler
00:13:24quelque part et donc potentiellement en partie sur les marchés européens. Et donc ça c'était
00:13:28notamment une grande inquiétude pendant la guerre commerciale de 2018-2019 parce qu'on a eu ces
00:13:34effets de diversion. La Chine a été ciblée majoritairement par cette politique commerciale
00:13:38et donc les excédents de production chinoise, qui est un pays où on sait qu'il y a une surproduction
00:13:44manufacturière importante, se sont en partie écoulés sur les marchés européens. Donc ça
00:13:51c'est toujours un peu une inquiétude, notamment quand on parle forcément avec des pays comme
00:13:56l'Allemagne qui ont aussi une production manufacturière importante. Ces effets de
00:14:02diversion sont toujours un peu des inquiétudes. Je pense que, pour être honnête, il faut voir
00:14:09qu'on ne sait pas très bien évaluer quelle est l'ampleur de cette diversion. Donc notamment dans
00:14:14le cas de la guerre commerciale sino-américaine, on a beaucoup dit l'afflux de véhicules chinois,
00:14:21c'est la diversion du commerce depuis les Etats-Unis. La vérité c'est que je pense,
00:14:26et peut-être mes collègues seront d'accord ou pas, qu'on s'est assez mal estimé quel est l'effet
00:14:31spécifique de la politique commerciale sur ces afflux de véhicules électriques par rapport
00:14:37simplement à un effet de demande. C'est un marché qui se développe et donc les productions chinoises,
00:14:41qui sont très compétitives notamment du fait des subventions, sont écoulées en partie sur
00:14:48les marchés européens. Donc il y a une petite incertitude sur l'ampleur de ces effets de
00:14:52diversion. Et là ça dépendra beaucoup de ce qui va se passer dans les prochains mois. Comment
00:14:57chaque pays va négocier avec Donald Trump et quelle sera la position européenne. Le deuxième
00:15:03élément qui est un peu plus difficile à quantifier, peut-être un peu mieux quantifié dans les modèles
00:15:08de type conjoncturel comme ceux qui sont utilisés par l'OFCE, c'est l'impact de cette politique sur
00:15:17l'incertitude. C'est une situation où globalement le plus gros effet de la politique commerciale
00:15:24américaine aujourd'hui, c'est de créer énormément d'incertitudes autour de la politique économique.
00:15:28Et ça on sait que l'incertitude, empiriquement, il y a beaucoup de travaux qui montrent que ça a
00:15:34un effet très fort sur l'investissement des entreprises. Aujourd'hui les entreprises,
00:15:39que ce soit en Europe ou dans le reste du monde, vont sans doute retarder en partie leur plan
00:15:46d'investissement parce qu'on est dans une situation qui est très incertaine et où l'issue de ces
00:15:53négociations reste très incertaine. Et donc ça, ça peut avoir un effet conjoncturel important.
00:16:00J'imagine que l'OFCE a regardé ces éléments-là et donc un effet qui n'est pas intégré dans les
00:16:09simulations dont je viens parler. La dernière partie, mais c'est vraiment très court parce
00:16:14que je n'ai pas grand-chose à dire là-dessus, c'est qu'il y a évidemment une incertitude ou
00:16:18des inquiétudes sur aussi le fonctionnement du système monétaire international. Les États-Unis
00:16:24ne sont pas uniquement centraux dans le système commercial international, mais le dollar est aussi
00:16:29central dans le système monétaire international. Et même si aujourd'hui la situation semble se
00:16:36calmer, évidemment s'il y avait des mouvements importants sur la situation du dollar et sur le
00:16:42niveau du dollar, ça pourrait avoir des effets mondiaux très très importants. Voilà, je vais m'arrêter ici.
00:16:48Merci beaucoup madame. Monsieur Grébine, vous êtes responsable du programme macroéconomie et
00:16:57finances internationales au CEPI. Vous avez également beaucoup travaillé sur les questions
00:17:03industrielles. La base des questions, c'est l'économie française et notamment son industrie.
00:17:10Vous paraissait-elle pouvoir subir sans trop de dommages les décisions de l'administration Trump
00:17:17et les décisions américaines qui affectent aussi l'ensemble de l'économie mondiale ? Pouvons-nous
00:17:24aujourd'hui avoir une estimation, chiffrer éventuellement les impacts que ça peut avoir
00:17:30sur l'économie française ? Merci beaucoup monsieur le Président et merci à tous pour
00:17:36cette invitation. En complément de ce qu'a dit Isabelle Méjean, je souhaiterais souligner trois
00:17:42points ici. D'une part, le premier point c'est sur l'impact macroéconomique de cette guerre
00:17:49commerciale et des tarifs Trump. Il me semble que l'impact macroéconomique sera modéré,
00:17:57et donc en particulier sur nos finances publiques, au-delà d'aggraver ce qui existe déjà, c'est à
00:18:04dire le climat d'incertitude. Ça c'est le premier point. Le second point, c'est que ça risque
00:18:10néanmoins de porter un coup dur pour certains secteurs d'activité dans un contexte où l'industrie
00:18:16européenne et française souffrent déjà. Mais donc la guerre tarifaire sera davantage un choc micro
00:18:22que macro. Et le dernier point, c'est qu'il me semble que le principal risque aujourd'hui de la
00:18:29politique américaine, c'est de nous conduire à sous-estimer et de nous détourner de ce qui
00:18:35constitue à mes yeux la principale menace, c'est à dire la concurrence chinoise. Nos recettes
00:18:42fiscales dépendent à moyen long terme de notre capacité à créer de la richesse, or cette
00:18:47capacité de créer de la richesse risque d'être fortement impactée par ce rôle au compresseur
00:18:52chinois, et donc je voudrais revenir brièvement sur ces trois points. Donc tout d'abord sur
00:18:56l'impact macroéconomique modéré, la France en 2024 a exporté autour de 49 milliards d'euros de
00:19:03biens vers les Etats-Unis, ce qui représente en gros 1,5% de notre PIB. Donc on est assez peu
00:19:10exposé macroéconomiquement au commerce avec les Etats-Unis. Il y a tiers de comparaison, les
00:19:15exportations italiennes vers les Etats-Unis représentent 3% du PIB italien, l'Allemagne
00:19:21c'est 4% et pour l'Irlande c'est 10% du PIB irlandais. Alors ensuite quel impact sur la
00:19:28croissance et les finances publiques ? Donc je pense que Raoul décrira ça beaucoup plus
00:19:32précisément que moi, mais je pense que ça va aussi, les prévisions faites par l'OFCE estiment que la
00:19:40croissance en 2025 pourrait être amputée de 0,6 points, et en raison de l'incertitude, c'est à
00:19:49dire qu'en effet il y a de l'incertitude liée au climat de guerre économique et aussi de
00:19:53l'incertitude liée au contexte politique français. La commission européenne est allée un peu dans le
00:19:59même sens lundi en publiant ses prévisions et en revoyant à la baisse notamment les prévisions de
00:20:04croissance pour la France. Alors c'est moins pire que chez nos partenaires également parce qu'on est
00:20:09moins touché par cette guerre commerciale, mais la commission estime que la croissance serait de
00:20:150,6% en 2025 contre 0,8% qui était estimé en novembre. Et donc les deux raisons principales
00:20:23de ce ralentissement, c'est notamment un ralentissement des exportations et les ralentissements
00:20:29de l'investissement. La commission européenne pointe aussi une dégradation de la situation de
00:20:34l'emploi, et donc on voit bien que ce ralentissement de la croissance plus le risque de dégradation de
00:20:39l'emploi, ça veut dire moindre recette fiscale et plus de dépenses, notamment d'indemnisation, que
00:20:44ce soit pour les ménages et on verra tout à l'heure aussi pour sectoriellement. Isabelle Méjean
00:20:50a aussi parlé des évaluations macro de plus long terme, et là elle confirme aussi cet impact
00:20:56modéré, donc comme il a été dit les chiffres suggèrent que les tarifs américains actuels vont
00:21:01induire une baisse de la production réelle française de l'ordre de 0,15% à 0,25%, donc ce
00:21:05qui est relativement faible. Ce qu'on peut se demander c'est qu'est ce qui va se passer en cas
00:21:11de représailles, si jamais il y avait des représailles européennes, donc ces représailles
00:21:16pourraient également affecter la croissance européenne et pourraient avoir deux effets principaux
00:21:23sur les recettes fiscales. Donc pour l'instant ces effets ne sont pas été quantifiés précisément,
00:21:28mais c'est plus les mécanismes que je vais vous décrire ici. Donc tout d'abord s'il y avait des
00:21:34représailles européennes, c'est à dire que si l'Europe augmentait ses tarifs, ce qu'on peut
00:21:38s'attendre c'est une hausse des recettes tarifaires, mais ces recettes vont aller abonder le budget
00:21:44européen, ils ne seront pas destinés aux états membres, donc ils ne vont pas alimenter le budget national.
00:21:50Ça c'est le premier effet. On peut aussi s'attendre à une hausse des prix à l'importation et donc ça
00:21:58ça peut certes produire un peu de recettes de TVA supplémentaires, mais le problème c'est que ça
00:22:05risque d'être compensé par le ralentissement induit par cette guerre commerciale avec une baisse
00:22:10de la consommation, une baisse de l'investissement, perturbation des chaînes de valeur et donc au
00:22:16final ça risque d'avoir peu de marge de manœuvre nouvelle, il risque d'y avoir peu de marge de
00:22:21manœuvre pour accompagner les secteurs ou les ménages qui pourraient être fragilisés par ce
00:22:27choc commercial. Ce qui mène maintenant aux impacts sectoriels, je vais en dire un mot rapidement,
00:22:32l'impact risque d'être concentré, on connaît les secteurs les plus dépendants qui sont les
00:22:37boissons, on parle beaucoup du cognac, des liqueurs, des vins blancs, il y a aussi les produits de la
00:22:41construction aéronautique, potentiellement les produits pharmaceutiques qui sont aujourd'hui
00:22:45exemptés mais qui demain, on ne sait pas ce qui se passerait en cas d'aggravation de cette guerre
00:22:51commerciale et donc il y a certaines entreprises comme LVMH qui réalise près de 25% de son
00:22:59chiffre d'affaires aux Etats-Unis, les Etats-Unis ça représente aussi 33% du chiffre d'affaires du
00:23:04cognac donc on voit bien qu'il y a certains secteurs particuliers qui pourraient être affectés plus
00:23:08précisément par cette guerre commerciale. Donc je vais pas rentrer, les stratégies des entreprises
00:23:13diffèrent, c'est évidemment plus facile pour le secteur du luxe de répercuter des hausses de prix
00:23:17sur les consommateurs que si par exemple dans le secteur pharmaceutique, s'il y avait des droits
00:23:22d'loin ce serait plus compliqué mais on voit bien que en tout cas l'effet sera concentré. Donc ce
00:23:27qui m'amène finalement sur mon troisième point, c'est qu'il me semble que la principale conséquence
00:23:33de la politique de Trump risque moins de résider dans les conséquences directes de ses tarifs sur
00:23:39l'Europe et sur la France que dans le fait qu'elle nous détourne de ce qui constitue le principal
00:23:45risque aujourd'hui pour l'industrie européenne et je dirais même pour l'économie européenne ce
00:23:48qui est la conséquence, la concurrence chinoise. Notre capacité à créer de la richesse va être
00:23:54fortement impactée par ce capitalisme d'état chinois qui agit comme un véritable rouleau
00:24:00comprenseur. Et là je voudrais insister sur quelque chose qui me semble très important, c'est
00:24:05qu'on est dans une situation qui est relativement inédite dans l'histoire économique. Aujourd'hui on
00:24:10constate des écarts de coûts de production de 30 à 40 % dans des pans entiers de l'industrie
00:24:16entre la Chine et l'Europe. On parle beaucoup de l'automobile, on a le souvenir de ce qu'a dit
00:24:23notamment le rapport Draghi qui soulignait que la Chine est désormais une génération en avance
00:24:27dans pratiquement tous les domaines de la technologie des véhicules électriques tout
00:24:31en produisant à moindre coût. Mais en fait ce qu'on décrit dans le secteur automobile ça concerne
00:24:37en vérité de nombreux secteurs, la chimie, la pharmacie, maintenant les machines outils et même
00:24:43le nucléaire. Et donc pourquoi c'est une situation qui me semble inédite, c'est que historiquement
00:24:51de tels écarts de coûts de production étaient compensés par des différences significatives en
00:24:57matière de productivité et d'innovation. Or aujourd'hui c'est malheureusement plus le cas.
00:25:01Et donc en l'état actuel des choses il est devenu quasi impossible de concurrencer l'appareil
00:25:08industriel chinois dont je répète les coûts sont souvent inférieurs de 30 à 40 % à qualité
00:25:16égale et avec une stratégie prédatrice de la Chine qui vise à dominer l'ensemble des chaînes
00:25:22de valeur, l'ensemble des chaînes de production mondiale. Et ça commence à s'illustrer notamment
00:25:27dans le déficit bilatéral de l'union européenne vis-à-vis de la Chine qui a presque triplé depuis
00:25:322019, on est passé de 120 milliards de déficit en 2019 à près de 300 milliards depuis 2025.
00:25:39Le problème posé par la concurrence chinoise risque d'être aggravé à mes yeux par
00:25:47cette politique commerciale américaine et ça pour deux raisons. La première raison, Isabelle
00:25:54Méjean a évoqué ça également, c'est que la fermeture des Etats-Unis risque d'aggraver le
00:26:01problème posé par les surproductions chinoises. Donc la Chine va chercher à rediriger ses
00:26:07exportations vers d'autres marchés, or l'Europe est l'une des rares zones économiques au monde
00:26:13avec un grand marché intérieur et un pouvoir d'achat élevé. Et donc ça, ça va poser un
00:26:17problème important pour l'Europe parce que ça risque d'aggraver notamment la pression à la
00:26:22baisse sur les prix. Juste pour vous donner un ordre de grandeur de ces surproductions mondiales,
00:26:27par exemple au niveau des batteries, les capacités aujourd'hui mondiales de production de batteries
00:26:32sont quatre fois supérieures à la demande mondiale. Quand on regarde les panneaux solaires, la Chine
00:26:38représente aujourd'hui 80% de la production mondiale de panneaux solaires et ils ont une
00:26:43capacité aujourd'hui de production dans ce secteur qui représente le double de la demande mondiale.
00:26:48Pour les véhicules électriques, la Chine a aujourd'hui la capacité de produire 50 millions
00:26:54de véhicules par an alors qu'on estime la demande intérieure chinoise que de 25 millions. Donc
00:27:00potentiellement ils ont une surproduction de 25 millions de véhicules par an. Donc ça c'est le
00:27:06premier facteur pour lequel il me semble que la fermeture des Etats-Unis risque d'aggraver le
00:27:11problème des surproductions chinoises. Il y a une deuxième raison qui me semble très importante,
00:27:16c'est qu'elle fracture également l'axe américano-européen. Les Etats-Unis et l'Europe
00:27:24sont confrontés à cette même concurrence chinoise et on aurait pu imaginer un renforcement d'une
00:27:31alliance Europe-Etats-Unis pour tenter de limiter cette pression chinoise. C'est d'une certaine
00:27:37mesure ce que cherchait à faire le président Biden lorsqu'il parlait de « French sharing »,
00:27:42c'est-à-dire développer le commerce avec des partenaires qui partagent nos valeurs et surtout
00:27:46nos intérêts économiques pour essayer de réduire notre dépendance à la Chine. Or ce qu'on voit
00:27:52aujourd'hui, c'est que le refroidissement des relations transatlantiques peut pousser,
00:27:57au contraire, certains pays à se rapprocher de la Chine. On a vu ces dernières semaines les
00:28:02déclarations du Premier ministre espagnol qui affiche une position d'ouverture très forte vis-à-vis
00:28:07de la Chine afin d'attirer ses investissements. On a vu aussi, ça je sors un peu du cadre
00:28:13européen, mais on a vu aussi ce qui est très symbolique que le Japon et la Corée du Sud
00:28:16ont récemment amorcé des discussions pour un accord de libre-échange entre les pays. Donc voir le
00:28:20Japon, qui est un ennemi historique de la Chine, amorcer des discussions pour un accord de libre-échange
00:28:25avec la Chine, c'est aussi révélateur d'un certain basculement. Le plus inquiétant pour nous,
00:28:32Français et Européens, il me semble, c'est la posture affichée par l'Union européenne,
00:28:37par la Commission européenne depuis deux mois, qui affiche une posture beaucoup plus conciliante
00:28:44avec la Chine que c'était le cas il y a encore quelques mois. Donc il me semble qu'il y a un vrai
00:28:49changement de doctrine de la Commission européenne qui, jusqu'alors, affichait une position de fermeté
00:28:55par rapport à Pékin. Madame von der Leyen parle maintenant de rechercher des avantages mutuels
00:29:02avec la Chine. Elle parle de tendre la main, d'approfondir nos relations avec la Chine et
00:29:07même d'étendre nos liens dans les domaines du commerce. Et c'est là, je pense, une posture
00:29:12qui pourrait s'avérer très risquée, parce que ça conduit à sous-estimer la menace que représente
00:29:19la Chine pour l'industrie européenne. La Chine a beau jeu de s'afficher comme un bon élève du
00:29:24multilatéralisme, mais cela ne l'empêche ni de subventionner massivement son industrie, ni de
00:29:30poursuivre une stratégie de domination de l'ensemble des chaînes de valeur, ni, accessoirement – ce qui
00:29:35est aussi très problématique pour les Européens – de continuer à freiner en pratique ces importations.
00:29:41Et le risque, c'est que nous, Européens, prenions un peu trop au pied de la lettre les déclarations
00:29:47d'intention de la Chine et sa posture de bon élève. Et je pense que là, l'industrie européenne pourrait
00:29:53le payer très cher. Il y aurait évidemment des conséquences économiques majeures sur l'Europe et,
00:29:59in fine, des conséquences budgétaires, avec des baisses de recettes fiscales, voire des
00:30:04augmentations de dépenses pour soutenir tel ou tel secteur en difficulté. Juste pour conclure ce
00:30:12propos introductif, il me semble qu'avec des marges de manœuvre budgétaires qui sont limitées,
00:30:17c'est le cas notamment en France, l'instrument budgétaire ne sera, quoi qu'il en soit, pas
00:30:24suffisant. Pour le dire simplement, on ne va pas pouvoir compenser avec un instrument budgétaire
00:30:30des écarts de coûts de production de nouveaux qui sont de 30 à 40 % entre, par exemple, les
00:30:35voitures électriques chinoises et celles fabriquées en Europe. Et ce, d'autant plus que, même si on
00:30:41voulait compenser, par exemple, dans l'automobile, on a en tête, par exemple, le bonus sur les
00:30:45voitures électriques. La situation actuelle ne concerne pas qu'un secteur, elle concerne, comme je
00:30:50l'ai dit, près de 80 % de l'industrie européenne. Et donc, inévitablement, il y a la question de la
00:30:55protection, de la protection du marché européen qui va se poser. Évidemment, de telles mesures de
00:31:01protection ne suffiront pas pour rendre les industries européennes compétitives et innovantes,
00:31:06mais ça permet en tout cas de gagner du temps et d'éviter que ces industries soient étouffées
00:31:11par une concurrence d'OPO-subventions. Merci beaucoup, M. Grébine. Alors, nous allons poursuivre
00:31:21et conclure ce premier tour de prise de parole avec M. Sampognaro. Je rappelle que vous êtes
00:31:28conjoncturiste, que vous avez notamment développé un modèle pour apprécier les effets de l'incertitude
00:31:34sur la conjoncture qui a été utilisée, et qui l'est sans doute toujours, par l'OFCE pour ses
00:31:42exercices de prévision, et notamment en 2024 et 2025. Donc, vous allez évidemment intervenir en
00:31:49complément de vos collègues et, sur la base, peut-être de savoir si, à court terme, quel serait
00:31:57l'effet de la politique commerciale de Donald Trump sur l'économie et les finances publiques
00:32:00françaises, si vous voulez revenir là-dessus, et comment l'incertitude liée au volte-face du président américain
00:32:07pourrait peser sur l'économie. Mais je vous laisse vous intégrer dans ces prises de parole successives.
00:32:13Merci beaucoup pour l'invitation et pour l'opportunité de présenter un peu une vision collective à l'OFCE
00:32:20sur l'impact macroéconomique de la politique commerciale de Donald Trump. Je vais parler plus de la France
00:32:27et un peu plus du court terme. Donc peut-être que ça sera moins passionnant que ce qu'on vient d'écouter.
00:32:33Mais... Pardon. Il risque d'avoir des redondances. Je m'excuse. Bon. Un peu de contexte pour la France.
00:32:42En fait, si on fait l'historique de la croissance du PIB français depuis la crise covid, finalement, la France
00:32:50en sort, on va dire, comme la moyenne de la zone euro. Je pense qu'on doit être à 5 points de plus de PIB
00:32:54par rapport à l'avant-covid. Et c'est comme la zone euro, mieux que l'Allemagne, beaucoup moins bien que les États-Unis.
00:33:01Ça, c'est un peu le contexte. On va dire que la croissance française n'a pas détenu pendant cette période-là
00:33:07au sein de la zone euro. Et ce qui est important de savoir, c'est que ses principaux moteurs récents,
00:33:12c'était le commerce international et la consommation publique. Donc bon. Juste en disant ça, je pense qu'on peut
00:33:19commencer à se dire que les prochains mois vont être un peu tourmentés et qu'en particulier, la guerre commerciale
00:33:25tombe pas au bon moment pour la France. Dans la vision, on va dire, de comment l'OFCE a intégré ce moment si particulier
00:33:35à sa réflexion sur les perspectives macroéconomiques, je pense qu'il faut diviser en trois temps.
00:33:42Essentiellement, on a pris les deux premiers en compte. Le troisième, je voulais ouvrir la discussion,
00:33:47mais je pense qu'elle était largement ouverte par mes collègues. Donc à court terme, je pense que la guerre commerciale,
00:33:53c'est avant tout un moment de très forte incertitude pour l'économie mondiale. Ce qui, comme vous l'avez rappelé,
00:33:58s'attend bien, vu mes travaux récents, qui étaient totalement indépendants de la politique de Trump.
00:34:04Deuxième chose, il y a l'effet des droits de douane effectifs. Ça, c'est le deuxième temps. Et le troisième temps,
00:34:11je viendrai un peu plus tard, parce que j'aurais moins de choses à dire. Donc à court terme, une guerre commerciale
00:34:16marquée par l'incertitude. Depuis janvier 2025, donc depuis que Trump est président, le Peterson Institute
00:34:24comptabilise, ils font un recensement de toutes les annonces majeures de politiques commerciales faites par l'administration américaine.
00:34:33Il y en a 100. J'ai vu ça hier. Il y en a 98 annonces pas mineures de politiques commerciales aux États-Unis.
00:34:40Et en plus, on sait que non seulement c'est des annonces, mais c'est des annonces qui vont dans un sens,
00:34:45qui reviennent dans l'autre, qui ne sont pas toujours claires. Donc c'est vraiment une période marquée par l'incertitude.
00:34:52Il y a des chercheurs américains qui travaillent aux États-Unis, Caldara, ses coauteurs, qui ont établi sur la base de recensements
00:35:01dans la presse, notamment de mentions à l'incertitude portant sur la politique commerciale américaine.
00:35:06Bon, on est à des niveaux vraiment jamais vus, incomparables par rapport à la guerre commerciale, on va dire 1.0 de 2018.
00:35:14C'est vraiment... On est dans un autre monde. Et non seulement il y a de l'incertitude, parce que c'est pas toujours clair.
00:35:22Par exemple, en particulier, le jour de la libération, il y avait – je pense – aucune personne qui ne pouvait comprendre
00:35:31quelles étaient les droits de douane appliqués au Mexique et au Canada, aux États-Unis.
00:35:34Un exemple, c'est des partenaires commerciaux majeurs. Et personne n'était en mesure de dire quelles étaient les droits de douane qui s'appliquaient.
00:35:42Et à droite, vous voyez... Ça, c'est un calcul aussi fait par des chercheurs américains sur le droit de douane effectif moyen,
00:35:48quand on tient compte des produits visés, des pays visés et de la structure des importations américaines.
00:35:55En rouge, c'est le droit de douane qui s'applique en moyenne sur les importations en provenance de la Chine.
00:36:01Donc on voit que c'est plus... Et en bleu, pardon, je complète sur le reste du monde. Bon.
00:36:08On voit que ça augmente. Oui, il y a une guerre commerciale. Mais surtout, ça bouge. Donc ça renforce ce côté.
00:36:16Le scénario est avant tout marqué par l'incertitude. Et cette incertitude peut avoir des effets très concrets à court terme sur l'économie mondiale.
00:36:27Et je fais une petite pause de blog. Il y a les références à la fin de la présentation sur les effets de l'incertitude commerciale sur les flux de commerce mondial.
00:36:36Et là, par exemple, les importations au volume en janvier et en février aux États-Unis sont 22% supérieures à leur niveau pré-Trump.
00:36:44Vraiment, il y a un flux massif de marchandises des Américains qui essayent d'avancer la constitution de leur stock du fait de cette incertitude.
00:37:00Je précise juste que dans ces 22%, il y a un peu des flux un peu bizarres sur l'or. Mais même si on retire l'or, on est à plus de 10 points d'importation aux États-Unis.
00:37:12C'est assez massif. Et en parallèle, il y a une hausse des prix à l'importation pratiqués par les... Des prix à l'importation aux États-Unis.
00:37:23Donc il y a une réaction. Déjà, ce processus d'incertitude a une première réaction. On avance ses stocks, ses chaînes d'approvisionnement.
00:37:32Mais surtout, ce que mes travaux m'ont amené à voir, c'est que cette incertitude a des effets très longs après.
00:37:39Une fois ce moment de restockage, après, on diminue durablement les flux de commerce mondial du fait de cette incertitude.
00:37:48On se dit qu'on ne sait pas dans un an combien ça va nous coûter, ces marchandises importées.
00:37:54Du coup, on réalloue assez rapidement les chaînes d'approvisionnement et on diminue pendant plus de 2 ans les flux d'échanges commerciaux
00:38:02après ce premier moment de sursaut qu'on voit déjà et qui explique en partie la croissance négative du PIB aux États-Unis au premier trimestre.
00:38:14En France, pour commencer à venir petit à petit vers la France, les enquêtes de conjoncture de l'INSEE montrent que,
00:38:23depuis le début de l'année, les carnets de commandes de l'industrie à l'exportation sont plutôt moins garnis qu'en 2024.
00:38:31À nouveau, on sent que ce moteur à la croissance qui était le commerce extérieur n'est plus trop là.
00:38:40En tout cas, les industriels sont très pessimistes. Ça a baissé par rapport à 2024. Deuxième apprentissage des enquêtes de conjoncture de l'INSEE.
00:38:49On n'est pas du tout dans l'effondrement du commerce mondial, comme ça pouvait être la crise financière globale de 2008.
00:38:55On n'est pas non plus dans la crise Covid. On voit un trou d'air qui risque de peser sur la croissance française, mais ce n'est pas encore l'effondrement.
00:39:05J'ai pas fait de graphique, mais en ce moment, les trois secteurs que j'ai identifiés dans les enquêtes de l'INSEE qui ont des carnets de commandes à l'exportation particulièrement dégradés,
00:39:17ce sont, pas de surprise, l'automobile, l'aéronautique et la métallurgie.
00:39:22On ne peut pas dire qu'il y a un lien de cause à effet, mais ce sont vraiment les trois secteurs qui, dans les enquêtes de l'INSEE, ressortent comme particulièrement pessimistes.
00:39:34Donc – je pense que j'ai déjà un peu planté le décor – l'EFCE voit un ralentissement assez marqué de la croissance qu'on prévoit à 0,5.
00:39:46Et pour venir sur nos évaluations de la guerre commerciale, déjà, l'incertitude, comme Thomas l'a annoncé, nous, on dit que l'incertitude pèse à hauteur de 0,6 point sur la croissance de 2025,
00:40:01mais 0,3 point vient de l'incertitude liée à la politique nationale. Je pense que je n'ai pas besoin de vous décrire le contexte national.
00:40:10Mais on a 0,3 point qui vient de nos indicateurs de risque géopolitique. Et donc là, je tiens à préciser que c'est vraiment une évaluation du risque géopolitique au sens large.
00:40:23Donc ça inclut la guerre commerciale, mais ça peut inclure d'autres choses, notamment avec la Russie et l'Ukraine.
00:40:30Mais en gros, l'incertitude internationale pèse, selon nos modèles, à hauteur de 0,3 point sur la croissance de 2025. Donc ça, c'est l'effet de l'incertitude.
00:40:40C'est vraiment notre premier pas dans la réflexion.
00:40:46Ensuite, les effets de droite douane. Bon, ça a déjà été dit. Donc je pourrais aller beaucoup plus vite. La France serait peu exposée.
00:40:54Quand on tient compte de la structure des exportations françaises et des réactions qu'on peut attendre, selon nos modèles, des prix à la hausse des droits de douane,
00:41:08nous, on a publié un effet de l'exposition directe serait de l'ordre de 0,1 point de PIB. Donc c'est assez en ligne avec ce que le CPI ou le CAE ont pu mesurer.
00:41:20Donc là, on est en phase. Et à l'époque, en fait, nous, on a terminé notre prévision deux jours, je dirais une semaine avant le jour de la libération.
00:41:34On a publié ça deux jours après le jour de la libération. Et donc notre prévision tenait compte en gros des droits de douane de l'ordre de 10% sur tout le monde,
00:41:44ce qui, à l'époque, le jour de la publication était caduque. Mais aujourd'hui, c'est plus en face avec la réalité. C'est pour montrer le côté de l'incertitude qui joue même dans ces prévisions.
00:41:55Donc aujourd'hui, ce scénario-là n'est pas très loin de ce qui est en cours d'application aujourd'hui. Donc 0,1 point de PIB d'effet direct.
00:42:07Donc en gros, on se retrouve dans tous les chiffres qui circulent. On va dire si on ajoute l'incertitude plus l'effet direct, on a un effet sur le PIB de 2025
00:42:19de l'ordre de... qui est compris entre 0,1 et 0,4 point si toute l'incertitude internationale est un effet de la guerre commerciale.
00:42:29Donc quel serait l'effet sur les finances publiques ? Déjà, quand on pratique les finances publiques, on a un premier réflexe.
00:42:36C'est d'appliquer les élasticités du cycle au déficit. Et donc avec les élasticités standards, on arrive à un effet sur le déficit d'entre 0,05 et 0,2 point de PIB.
00:42:50On va dire entre 0,1 et 0,2. Ce n'est pas rien. Ce n'est pas rien dans le contexte actuel. Mais ce n'est pas non plus très très fort.
00:43:01Donc si je vous dis que c'est un calcul, on va dire, rapide, juste avec les élasticités standards, est-ce que les élasticités sont standards pour ce type de choc ?
00:43:12Ça, c'est plus difficile à répondre. La chronique 2022-2024 des finances publiques nous amène à être prudents sur l'évaluation des élasticités.
00:43:26Mais en gros, la valeur ajoutée exportée est en moyenne moins taxée que la valeur ajoutée domestique, parce qu'il y a moins de travail, pour des tas de choses.
00:43:38Donc peut-être que même les élasticités traditionnelles sont un peu trop fortes par rapport à ce choc-là.
00:43:45Donc on peut dire entre 0,1 point de PIB ou 0,2. Honnêtement, on est vraiment dans un peu la quantification des effets qu'on attend aujourd'hui de la guerre commerciale.
00:44:03Et je tiens à dire que ces calculs ne tiennent pas justement compte d'éventuelles mesures. Pour l'instant, je n'en ai pas d'information.
00:44:11Mais en tout cas, s'il y a des mesures sectorielles ou d'éventuelles rétroactions, on ne les a pas comptabilisées.
00:44:18Et tout ça est vraiment compliqué, parce qu'il y a certains prix déjà qui ont déjà baissé, qui ont des effets assez massifs
00:44:26à la fois sur les varelles macroéconomiques comme les matières premières énergétiques, qui ont pas mal baissé depuis le début de la guerre commerciale.
00:44:37Donc voilà. Le message, c'est plutôt un effet modéré en 2025 sur les finances publiques.
00:44:45Après, la question, c'est si on va vers une guerre commerciale totale. Mais tout ça a déjà été mentionné.
00:44:52En gros, les pays les plus exposés au commerce avec les États-Unis se situent plutôt en Asie, plutôt en Amérique du Nord.
00:45:00L'Europe, mis à part l'Irlande, comme ça a déjà été mentionné, s'en peut exposer.
00:45:07Donc on ne s'attend pas que par les effets, on va dire, de « ça pèse sur l'Allemagne, du coup, ça nous revient en France ».
00:45:17On ne s'attend pas non plus à des effets très gros au niveau macroéconomique. Mais je pense qu'on l'a déjà dit.
00:45:25Et là, je parle plus à titre personnel. Je pense qu'à long terme, on a les bourses qui ont réagi massivement.
00:45:33On pourrait se dire que les bourses réagissent toujours massivement. Nos modèles et nos outils d'évaluation disent que c'est pas très fort.
00:45:41Peut-être que les bourses réagissent un peu trop. Mais peut-être qu'on est en train de rater aussi des choses.
00:45:47Et je pense que ces trois choses qu'on rate ne sont pas mineures et ont déjà été un peu mentionnées. Donc je vais aller vite.
00:45:54Mais on a une organisation du commerce mondial qui... Déjà, il faut rappeler que les États-Unis ont été moteurs dans la constitution de ces règles-là.
00:46:04Là, on a quand même un changement des règles de jeu pas très clair, pas toujours très rationnel,
00:46:11et qui sont par le principal moteur dans la constitution de ces règles de commerce. Et si on voit l'article 1er du GATT,
00:46:20qui est un peu le socle de la gouvernance des échanges commerciaux, il y avait un principe de non-discrimination
00:46:27qui est totalement mis à mal par le jour de la Libération, où on avait des droits de douane vraiment à la carte,
00:46:34sans même parler des formules utilisées pour leurs calculs. Donc on a un peu un changement des règles fait par un acteur central
00:46:44et qui change la logique des règles du multilatéralisme vers le bilatéralisme.
00:46:50Ça, c'est une première chose qui me semble importante. Et dans les effets, je pense qu'on a du mal à les évaluer à long terme
00:46:58sur à quel degré ça va remodeler les chaînes d'approvisionnement mondiales.
00:47:04Deuxième chose, et qui est beaucoup plus centrale dans le discours de Trump, mais beaucoup moins pour le moment dans les évolutions concrètes,
00:47:13c'est quel est le rôle du dollar dans le monde de demain. Je pense que c'est là où il y a un risque financier majeur.
00:47:20C'est vraiment lié au statut du dollar et des obligations d'État américaines. Et on voit que malgré les évolutions
00:47:31de la politique commerciale annoncée, qu'on a envie de dire... On voit les prémices d'un recul sur la montée massive des droits de douane.
00:47:40Les taux longs américains restent à des niveaux élevés et assez forts. Et on voit pas de franches tendances à la baisse,
00:47:51notamment dans les maturités longues jusqu'à hier, en tout cas. Et enfin, on va dire l'autre grand pilier du discours de Trump,
00:48:06c'est les déficits commerciaux mondiaux. Et donc je pense qu'on est à un moment où on a une réallocation de l'investissement et de l'épargne mondiale
00:48:18qui risque aussi d'être dans les effets difficilement quantifiables et prévisibles à court terme, notamment vu la difficulté à lire le décideur public américain.
00:48:37Je souhaiterais vous interronger non pas directement sur les effets sur l'économie française des politiques douanières de Trump,
00:48:47mais plutôt sur les effets de bord en termes de politique budgétaire pour l'Europe et, in fine, pour notre pays.
00:48:54Je voudrais revenir en 1985. Les accords du Plaza ont eu pour effet de convaincre l'Allemagne de la pertinence de la monnaie unique.
00:49:01Donc la question que je me pose est de savoir si, aujourd'hui, en 2025, les menaces américaines pourraient convaincre Berlin d'accepter une dette européenne commune.
00:49:11Notamment, il y a un peu plus de deux semaines, le nouveau chancelier allemand a déclaré que l'Europe devrait être plus indépendante des États-Unis.
00:49:20Je crois que c'est des mots forts dans un pays qui a toujours considéré les États-Unis comme son grand protecteur.
00:49:27L'Allemagne a accepté avec beaucoup de réticence l'union monétaire, mais elle a fini par le faire.
00:49:34Est-ce que vous pensez qu'elle pourrait en faire de même avec la politique européenne fiscale et budgétaire ?
00:49:42Et notamment, pourquoi ne pas profiter de la conjoncture actuelle où l'hégémonie du dollar est à nouveau remise en question par les politiques erratiques de Trump,
00:49:50et où les créanciers internationaux recherchent des alternatives pour émettre des euro-obligations à un taux d'intérêt qui pourrait être avantageux ?
00:50:00Le rapport Draghi faisait état qu'il fallait prêter 5 % du PIB de l'Union, soit 800 milliards, pour parvenir à cette souveraineté européenne.
00:50:10Si l'Union européenne annonçait demain l'émission de dette à hauteur de 15 % du PIB, pour les cinq prochaines années,
00:50:17cela représenterait un bouleversement important du système monétaire international. Et l'euro pourrait devenir monnaie de réserve.
00:50:25Certes, ça ne mettrait pas fin à l'hégémonie du dollar. Mais le coût porté pourrait être dur.
00:50:31Et donc est-ce que, de votre point de vue d'économiste, vous pensez que Berlin pourrait oser affranchir ce pas ? Merci.
00:50:41— Merci, Thierry. Isabelle Bricquet, puis Vincent Capocanella. — Merci, président. Merci aux trois intervenants pour leur propos,
00:50:51effectivement, d'une grande clarté. On voit bien l'effet de la politique Trump et d'amplifier en fait la suprématie commerciale chinoise.
00:51:05Et vous l'avez dit, nous avons en gros 20 ans de retard par rapport à la Chine et dans des domaines stratégiques.
00:51:14Alors quels moyens pourrait-on déployer pour limiter l'impact sur notre économie et consécutivement aussi sur nos finances publiques,
00:51:27puisque dans un deuxième temps, c'est notre budget qui va être gravement affecté par cette situation-là ? Merci.
00:51:34— Merci, Isabelle. Vincent Capocanella. — Merci, monsieur le président. Merci à nos trois intervenants.
00:51:40Je retiens comme tout le monde que l'effet est faible, mais il est quand même légèrement récessif à court terme.
00:51:48Et j'ai envie de dire que dans notre situation particulière, c'est malgré tout plus que la goutte d'eau supplémentaire et que c'est malgré tout
00:51:59quand même inquiétant, même si ça reste une bonne nouvelle, parce qu'on craignait le pire. Alors peut-être pour l'OFCE, vous visez 0,5% de croissance.
00:52:10Comment vous voyez l'impact sur le déficit et puis sur la possibilité qu'à la France de revenir, etc., au 3% d'ici 2029,
00:52:24parce que ce contexte d'incertitude et quand même de cet effet récessif n'est pas malgré tout très engageant ?
00:52:31Deuxièmement, vous êtes nombreux à nous alerter parmi les intervenants sur la Chine, le risque à moyen long terme et le fait qu'ils pratiquent
00:52:43un soutien public, pour dire les choses publiquement, à leur industrie, notamment avec quand même des risques sur l'aéronautique, l'automobile, la métallurgie, etc.
00:52:56Donc quelle peut être la réponse européenne là-dessus ? Dans quelle mesure on est à même de soutenir ? Je voyais notamment sur l'aéronautique que le nouvel avion chinois,
00:53:15le C-919, il commence à y avoir une diplomatie intelligente de leur point de vue qui fait qu'il commence à vendre.
00:53:25Alors nous, on a des sujets. La certification, tout ça n'est pas encore réglé. Ça va mettre plusieurs années. Mais on voit bien quand même qu'il y a des pans entiers
00:53:34de notre industrie qui peuvent être en grand risque. Donc quelle peut être la réponse là ? Parce que nous, on n'est pas avec les mêmes armes, de fait.
00:53:43On n'est pas dans un soutien public aussi débridé ou même pas dans un soutien public au-delà des règles communément admises. Comment on peut s'en sortir ?
00:53:56Merci Vincent. D'autres questions, remarques ? Je n'en vois pas. Pour ma part, je me suis étonné que dans les secteurs qui soient, puisque c'est recité à l'instant par Vincent Capocanella,
00:54:08je me suis étonné que dans les secteurs cités, il y ait l'aéronautique. Pourquoi ? Parce que dans l'aéronautique aujourd'hui, il y a deux grands acteurs.
00:54:18Et les deux grands acteurs sont finalement avec des produits... Chacun a des produits de l'autre, si je puis dire. Les Airbus sont construits avec un bon 30% ou 40% de produits américains.
00:54:33Les Boeing font appel à 30% de produits européens. C'est assez... Je veux dire, ce sont plutôt des industries... Enfin, l'aéronautique est plutôt une industrie où l'impact me paraît très partagé, en tout cas.
00:54:47Et donc, je ne vois pas... Est-ce qu'on pourrait y aller plus loin sur pourquoi ce secteur serait particulièrement en difficulté pour ce qui concerne l'Europe, bien entendu ?
00:54:58Je n'en ai pas une claire vision aujourd'hui. Deuxième aspect. Si vous vouliez revenir d'un mot, parce que vous l'avez quand même déjà un peu explicité,
00:55:11et c'est des questions qui sont venues, me semble-t-il, de la part de collègues, sur, finalement, qu'est-ce qui se passe sur la monnaie aujourd'hui, c'est-à-dire quels sont les impacts ?
00:55:23On lit, hein, parce qu'on lit beaucoup, comme disait l'autre. Pas forcément toujours des choses tout à fait justes. Donc on vous interroge là-dessus sur l'impact des politiques,
00:55:36finalement, menées sur la monnaie. On a bien vu que les obligations américaines avaient été attaquées à un moment donné, ou en tout cas qu'il y avait eu des ventes un peu...
00:55:48qui avaient permis, d'ailleurs, de faire bouger la politique de l'administration Trump très rapidement. Mais est-ce qu'on va vers un rééquilibrage avec,
00:55:59effectivement, une monnaie américaine toujours forte, mais quand même avec d'autres monnaies, l'euro, le renminbi, éventuellement à terme, qui s'équilibrent un peu plus ?
00:56:12Est-ce que c'est votre vision ou est-ce que vous pensez qu'on va revenir plutôt vers une vision tradie, quoi, le dollar reprenant sa souveraineté ? Voilà.
00:56:22Merci. Si vous voulez bien, alors, je vous propose de répondre dans l'ordre inverse, comme ça. Voilà. Faut changer un peu. C'est vous qui démarrez, si vous voulez bien.
00:56:33Alors vous prenez les questions que vous voulez bien, sur les uns et les autres. Alors ça, je peux vous souhaiter à l'aise.
00:56:40— D'accord. Bon. Merci beaucoup pour les questions et pour les commentaires. Je vais essayer de répondre là où je peux dire des choses intéressantes.
00:56:54Donc déjà, sur l'inflation, il y avait une question sur les effets de la crise. On a beaucoup parlé de PIB, d'activité.
00:57:03On a peu parlé de prix, globalement. Et là, ça a été mentionné par moi. En fait, à mon avis, on a une grande incertitude.
00:57:14Que va faire la Chine de ses produits, de ses capacités de production ? On peut envisager que tout ça ait un effet, on va dire, déflationniste
00:57:25sur les biens importés par la France ou par la zone euro en général. Donc ça, on peut envisager, probablement, si les effets inflationnistes sont là pour les États-Unis.
00:57:34Ça, je pense qu'il y a un consensus, que la transmission des tarifs vers les prix est plutôt élevée. Mais pour le reste du monde, c'est pas si clair.
00:57:42Surtout si on ajoute la baisse des matières premières, qui est déjà aussi observée. Donc voilà. Sur l'inflation, tout reste à voir.
00:57:55Deuxième point qui émerge dans beaucoup de questions, c'est... En fait, on a finalement beaucoup parlé d'industrie et très peu sur les autres secteurs.
00:58:04On a mentionné l'agriculture, mais aussi les services, beaucoup, avec aussi les services. C'est clair que dans nos modèles, probablement,
00:58:15tout le côté services est un peu à un point aveugle et que les échanges internationaux de services se développent de plus en plus.
00:58:27Je pense qu'évidemment... Je vais dire peut-être des choses qui sont des lieux communs. Mais on parle beaucoup de la nature transactionnelle de Trump
00:58:36et que probablement, ça soit de levier de négociation, ce qu'on a parlé sur les GAFAM, sur les impôts sur les sociétés.
00:58:46Mais je pense qu'on est un peu dans le flou, parce que c'est des secteurs très spécifiques, très compliqués.
00:58:56Et on a l'impression que tout va se résoudre dans du gré à gré, du face-à-face. Et donc c'est un peu difficile de faire des perspectives là-dessus.
00:59:08Un petit point sur le tourisme, qui était une des questions spécifiques. Il y a un effet des taux de change.
00:59:14Donc a priori, une appréciation du dollar au premier ordre devait être mauvaise pour nous, parce que là, les effets prix jouent.
00:59:23Et c'est un peu connu. Après, on lit... Et ça, c'est typiquement là où nos modèles sont pas bons. Et c'est une très belle matérialisation.
00:59:32On lit que les Européens commencent par exemple à bouder les États-Unis, parce qu'on sent un climat hostile, malsain.
00:59:41Et ce type de reconfiguration des flux commerciaux, c'est vraiment... Je pense qu'il peut être à l'œuvre, des flux économiques et commerciaux,
00:59:50mais qu'on a du mal à les voir, nous, et à les anticiper. Je dirais un point sur la place du dollar et la dette européenne.
01:00:05Clairement, il y a une opportunité. C'est une fenêtre de tir pour que ce type de dispositif émerge. Déjà, je dirais sur l'Allemagne, pareil.
01:00:17Je ferai pas de prévision sur la politique allemande. Déjà, c'est difficile. Quand on connaît un peu son pays, c'est difficile quand on va voir le voisin.
01:00:26Mais déjà, il y a un point qui est assez flagrant. C'est que l'Allemagne a radicalement changé son discours sur la dette tout court.
01:00:34Qu'elle soit européenne ou allemande, je pense que, déjà, qu'il y ait une émission de dette allemande, c'est une bonne chose,
01:00:41en moins que la concurrence du dollar comme monnaie de réserve. Et je profite... C'est pas exactement lié à la question,
01:00:53mais je pense que c'est une bonne introduction. Il y a pas mal de travaux théoriques, en ce moment, en macroéconomie internationale,
01:00:58qui essayent de voir si on peut absorber les déficits commerciaux avec une guerre commerciale.
01:01:04Et moi, ce que je comprends de cette littérature un peu qui émerge, c'est qu'en soi, non. C'est très difficile pour des tas de raisons,
01:01:15parce que les volumes, les prix réagissent, que finalement, ça dépend d'autres choses. Mais si on veut absorber pas les déficits commerciaux
01:01:22mais les déficits de balance courante, en fait, les États-Unis, quelque part, devraient renoncer à leurs privilèges exorbitants
01:01:31pour pouvoir réduire leurs déficits commerciaux. Donc tout ce qu'ils gagnent, on va dire, par les flux de revenus financiers,
01:01:39ils devraient... Tout ce qu'ils perdraient, du coup, ils le gagneraient par la balance commerciale. Et donc on est à ce moment-là où...
01:01:47Je pense que c'est là où on atteint quelque chose qui, pour moi, en tout cas, est difficilement explicable du moment actuel.
01:01:54C'est que les États-Unis sont en train de dire au reste du monde qu'on veut perdre notre privilège exorbitant.
01:02:02Et je pense que c'est ça où... Je veux dire, en tant qu'acteur qui pense que la rationalité a un sens, pour moi, les privilèges,
01:02:10je me bats pour les conserver. Et je pense que c'est ça, un peu, là où je ne comprends pas la marche du monde.
01:02:20Et que dans ce contexte-là, je pense que la dette européenne est un outil. Et heureusement que le discours a changé en Allemagne vis-à-vis de la dette.
01:02:29Et pour répondre sur une dernière chose sur laquelle j'ai un petit bout de réponse, l'aéronautique, je ne saurais pas dire
01:02:38pourquoi elle est si pessimiste sur les perspectives. Par contre, peut-être, j'ai fait un abus de langage quand j'ai commenté les enquêtes de l'INSEE.
01:02:46En fait, les enquêtes de l'INSEE parlent sur les autres matériaux de transport hors automobile. Et donc il y a l'aéronautique,
01:02:55mais il n'y a pas que l'aéronautique. Il y a la fabrication de bateaux. Il y a la fabrication de camions. Il y a d'autres choses.
01:03:03Mais l'aéronautique, c'est quand même le plus gros des secteurs qui répond à l'INSEE. Donc on a envie de dire que c'est l'aéronautique qui est pessimiste.
01:03:12Mais peut-être, ce n'est pas l'aéronautique. C'est le reste. Voilà. Mais c'est une précision.
01:03:19— Merci beaucoup à tous pour vos remarques et vos questions. Alors je vais peut-être partir, en fait, d'une des dernières remarques de Raoul
01:03:33sur le système monétaire international, sur la question des déficits courants, et que je mettrai en lien avec à la fois le privilège exorbitant
01:03:41et le rôle du dollar. Bon, je vais peut-être faire un peu de provocation. Mais je pense qu'une partie du constat, malgré tout, de Donald Trump est juste.
01:03:50C'est-à-dire que les États-Unis – et c'est vrai aussi d'une certaine mesure de la France – ont joué au niveau du système monétaire international
01:04:00le rôle de consommateur en dernier ressort. Et c'est vrai de la France au niveau de la zone euro. Le problème, quand vous êtes un consommateur
01:04:09notamment de biens manufacturés en dernier ressort, c'est qu'en fait, ça, ça affecte votre compétitivité. Et pour le dire assez simplement,
01:04:17vous favorisez presque systématiquement votre consommation au détriment de la production. Et donc les États-Unis... Et je pense que ça,
01:04:27il y a un consensus aux États-Unis, que ce soit dans l'administration Trump mais ensuite dans l'administration Biden, ont souffert de la désindustrialisation.
01:04:35Et donc cette désindustrialisation, elle est bien aussi liée à ce rôle du dollar et à cette place qu'il donne dans la consommation,
01:04:45et qui est liée au déficit courant, plus précisément dans le cas d'espèces, au déficit commercio-américain.
01:04:55Donc il y a eu quand même cette... En fait, en gros, ils ont substitué des importations, les Américains comme les Français,
01:05:00de la production nationale, ce qui les a rendus moins compétitifs relativement et ce qui a accéléré la désindustrialisation.
01:05:09Sur le rôle du dollar, on apprenait dans nos études... Il y avait le paradoxe de Triffin. C'est-à-dire que dans les années 60,
01:05:18c'est-à-dire que lorsque vous avez une monnaie qui est une monnaie internationale, le problème, c'est que le pays qui émet cette monnaie
01:05:25doit avoir des déficits courants pour fournir cette monnaie au reste du monde. Et donc c'est vrai que les déficits américains
01:05:32sont intrinsèquement liés au fait que le dollar est dans le même temps cette monnaie internationale. Mais il y a besoin.
01:05:41Les États-Unis doivent fournir des dollars au reste du monde. Et en gros, comment ils fournissent ces dollars ?
01:05:48C'est en achetant au reste du monde des produits et en échange des produits, ils donnent des dollars.
01:05:52Et donc en effet, s'ils réduisaient leurs déficits courants, de facto, ça aurait des conséquences sur le rôle du dollar comme monnaie internationale.
01:06:04Alors je suis d'accord également avec ce qui a été dit. C'est-à-dire que les tarifs ou même la valeur de la monnaie, c'est un des éléments
01:06:12qui peuvent ou pas affecter le rôle du dollar. Mais il y a aussi des facteurs macros qui sont fondamentaux. C'est notamment le rôle de la consommation.
01:06:20C'est-à-dire que concrètement, si les États-Unis veulent réduire leurs déficits courants, il faut qu'ils réduisent la voilure sur la consommation.
01:06:28Et c'est là où il y a un peu le président Trump a à la fois ce discours sur réduire les déficits, sur baisser la valeur du dollar,
01:06:37mais en même temps, il donne des chèques. Alors là, c'est un peu moins le cas ces derniers temps. Mais quand vous aidez les ménages,
01:06:43vous, en même temps, vous aggravez vos déficits courants. Plus précisément sur la hausse ou la baisse du dollar, c'est vrai que normalement,
01:06:56lorsque vous mettez des tarifs sur vos importations, on s'attend... Et c'est ce qui se passe en général. C'est que vous avez une appréciation de la monnaie.
01:07:06Donc là, ce que les économistes s'attendaient, c'était que vous auriez eu une appréciation du dollar. En gros, quand vous mettez des tarifs sur les importations,
01:07:17l'idée, c'est que vous allez moins consommer de produits étrangers. Donc vous allez moins demander de la monnaie étrangère. Et donc si vous demandez moins
01:07:27de cette monnaie étrangère, cette monnaie étrangère doit baisser par rapport à votre propre monnaie. Alors là, ce qu'on observe, ce qu'on a observé
01:07:34ces quelques semaines, c'est au contraire une dépréciation du dollar qui a été interprétée comme le fait qu'il y avait des inquiétudes sur le système monétaire international
01:07:44et sur la pérennité de la politique économique de l'administration américaine. Alors moi, je pense pas non plus qu'il y aura un grand soir.
01:07:54Je pense que de nouveau, il n'y a pas actuellement de monnaies de réserve qui sont vraiment... On peut espérer que l'euro joue un rôle plus important.
01:08:03Mais compte tenu des difficultés économiques de la zone euro actuelle et à venir, je serai pas non plus super optimiste de ce point de vue-là.
01:08:16Sur les investissements, les chiffres sont encore assez fragiles. Donc il faut prendre ce que je dis avec des pincettes. Mais on voit quand même
01:08:23qu'il y a quand même beaucoup d'investissements qui sont annoncés aux États-Unis. Donc le président Trump annonce des chiffres mirobolants.
01:08:31On sait qu'il faut toujours prendre ce genre de chiffres avec des pincettes. Mais néanmoins, il y a quand même... Quand vous parlez avec les responsables
01:08:40de certains secteurs industriels, ils vous disent quand même qu'ils sont en temporisme et ils envisagent aussi une partie d'investir plus aux États-Unis.
01:08:49Donc voilà. Je pense pas qu'il y aura un grand soir. Alors j'en profite pour répondre à la question sur la dette européenne et sur le rapport Draghi.
01:09:03C'est vrai qu'on peut dire qu'il y a une fenêtre d'opportunité qui s'ouvre pour avoir une dette européenne.
01:09:13Et je pense que c'est la position de la France de pousser beaucoup pour cette option. Mais quand vous regardez le rapport Draghi,
01:09:22il y a une autre préconisation qui est faite et dont on a peut-être un peu moins parlé en France. C'est que le rapport Draghi préconise certes
01:09:30l'émission d'une dette européenne. Mais ce même rapport dit que dans le même temps, il faut durcir les règles budgétaires au niveau national.
01:09:39Ça, je sais pas pourquoi on en a un peu moins parlé en France. Mais voilà. Donc je pense que ça va être compliqué pour les Allemands d'accepter
01:09:53plus de dettes au niveau communautaire ou des obligations, des euro-obligations si la situation des finances publiques françaises reste dans l'État
01:10:05où elle est aujourd'hui. Et donc oui, certes, le nouveau chancelier allemand, c'est vrai, a brisé des tabous très importants. Et donc là aussi,
01:10:16je serai prudent, parce qu'en janvier, j'aurais dit que c'était pas possible. Mais malgré tout, ça fait beaucoup de tabous à briser.
01:10:24Et je pense pas que cette dette européenne est quand même perçue en Allemagne et dans certains pays du nord de l'Europe comme le fait qu'on va financer
01:10:32certains pays du sud, dont la France. Donc je suis pas sûr que dans le contexte actuel, vu la popularité du chancelier, ce soit une option...
01:10:43Enfin de nouveau, je pense qu'il faut pousser pour ça. Après, je pense que c'est pas malheureusement aussi simple. Pardon.
01:10:55Sur le dollar aussi, ce qu'il faut observer, et sur l'euro, sur les évolutions des monnaies, donc ça de façon plus conjoncturelle, c'est que ce qu'on observe
01:11:03depuis 2019, c'est une dépréciation du yuan, de la monnaie chinoise, de près de 20% par rapport à l'euro. Alors même qu'il y a des écarts de coûts
01:11:13qui sont très importants, ces écarts se sont dégradés depuis quelques années. Et donc vous avez raison. Vous avez évoqué les accords du PLATSA,
01:11:22le fait qu'on pouvait avoir un deal au niveau international. Je pense qu'en effet, c'est le souhait de beaucoup des États-Unis, de l'Europe.
01:11:31Les accords du PLATSA, ils ont été obtenus, j'allais dire, manu militaris. C'est-à-dire qu'il y a un moment, vous devez être un acteur suffisamment crédible
01:11:40pour imposer... Enfin les Chinois vont pas accepter volontairement de réévaluer leur monnaie. Et du reste, c'est pas ça qu'on observe ces dernières semaines.
01:11:50— Il y a eu plusieurs questions aussi sur les règles du commerce international, sur l'OMC. Quelles règles nouvelles ? Je pense que oui, c'est un impératif aujourd'hui
01:11:59de revoir les règles de l'OMC. Bon, les Américains vous diraient que de toute façon, l'OMC est un astre mort. Mais c'est plus important au moins d'un point de vue symbolique
01:12:12pour les Européens. Mais je pense que c'est clair que l'entrée de la Chine dans l'OMC a été mal négociée et qu'en tout cas, les règles actuelles de l'OMC
01:12:24ne tiennent pas compte du capitalisme d'État chinois, de son caractère extrêmement prédateur. Et que donc, avec les règles actuelles de l'OMC,
01:12:34ça va être très très très compliqué pour l'industrie européenne. Alors sur les modèles, je laisserai peut-être Isabelle Méjean répondre plus précisément.
01:12:45Moi, ma connaissance des modèles du CEPI, c'est que c'est des modèles de long terme où il n'y a pas de mobilité des facteurs de production.
01:12:55Donc toutes ces questions de supply chain, elles ne sont pas prises en compte. De même, les questions de dollars ou de monétaires ne sont pas non plus prises en compte.
01:13:06Parce que de nouveau, qu'est-ce que c'est un modèle de long terme ? C'est un modèle où tout est à l'équilibre. Vous n'avez pas de chômage, vous n'avez pas de dépréciation.
01:13:14Enfin c'est vraiment qu'est-ce qui se passe à long terme quand l'économie est à l'équilibre. Donc par construction, tout ce dont vous avez parlé n'est pas intégré,
01:13:24je pense, dans ces modèles.
01:13:28Voilà. Et donc peut-être juste une dernière remarque. Désolé parce que je suis un peu long. Que faire pour essayer de limiter l'impact au niveau européen ?
01:13:38Je pense que de nouveau, il y a des réponses possibles. Donc il faut peut-être revoir certaines règles qui pénalisent beaucoup l'industrie européenne.
01:13:49Et ça aussi, je pense que c'est une position qui est soutenue par la France, qu'il faut défendre au niveau européen, défendre auprès de nos voisins allemands
01:13:58des mesures de protection beaucoup plus fortes. Donc il ne s'agit pas de devenir protectionniste vis-à-vis du reste du monde, mais vis-à-vis, par exemple, de la Chine.
01:14:07Je pense que pour des questions économiques et pour des raisons de sécurité nationale, je pense qu'il faut vraiment durcir le jeu.
01:14:14Et de nouveau, c'est pas des petits tarifs qu'il faut mettre, ce que je veux dire. C'est-à-dire que le risque... Là, je remarque plus politique.
01:14:23C'est-à-dire qu'il ne s'agit pas de faire une mesure juste pour se donner bonne conscience d'avoir agi. Quand vous avez des écarts de coûts de production
01:14:31aussi importants de 30% à 40%, le pire, c'est de donner l'impression que vous avez fait quelque chose, alors qu'en fait, la compétitivité européenne
01:14:38va se dégrader fortement. Et donc je finirai juste sur une métaphore. On était assez bons, nous, Européens, sur les panneaux solaires dans les années 2000.
01:14:47Et en fait, on a vu qu'au niveau des panneaux solaires, très rapidement, la Chine est montée en gamme, a commencé à produire et à subventionner
01:14:54massivement cette industrie. Et en quelques années, l'industrie européenne du panneau solaire a été balayée. Et on a eu tout un discours ensuite en disant
01:15:02« Mais c'est pas grave, parce qu'on produit plus de panneaux solaires, mais c'est très bon pour le consommateur, c'est très bon pour la transition écologique,
01:15:09parce qu'on peut importer des panneaux solaires depuis la Chine ». Le problème, c'est que là, panneau solaire, on peut dire d'un point de vue économique, macroéconomique,
01:15:18c'est relativement anecdotique. Quand maintenant, vous prenez cette métaphore du panneau solaire et vous l'appliquez à 80% de l'industrie européenne,
01:15:27vous n'êtes plus dans quelque chose d'anecdotique et de symbolique. Et donc quand vous voyez par exemple la percée de la voiture électrique chinoise...
01:15:34Je vais juste rappeler un chiffre. En 2019, la Chine était encore importatrice nette de voitures, d'automobiles. Aujourd'hui, c'est le premier exportateur mondial de voitures, d'automobiles.
01:15:47Elle produit près de la moitié de la production mondiale d'automobiles. Donc vous voyez, c'est là où je pense que la réaction européenne est impérative.
01:15:55Et justement, des demi-réponses seraient, dans le contexte actuel, particulièrement dangereuses.
01:16:02— Merci beaucoup, M. Grébine. Donc Mme Méjean, pour conclure. — OK. Je vais essayer d'être complémentaire par rapport à ce qui a déjà été dit.
01:16:12Donc dans les éléments qui ont été peut-être un peu moins discutés, il y a la question de l'OMC, des règles multilatérales.
01:16:19Donc effectivement, aujourd'hui, l'OMC, de facto, est morte. De fait, l'OMC était déjà largement moribonde au moins depuis 2017-2018,
01:16:30puisque l'organisme de règlement des différents ne fonctionne plus. Et c'est un élément très important du fonctionnement de l'OMC qui a été rajouté au moment de la création de l'OMC.
01:16:40C'est cette espèce de tribunal d'arbitrage des problèmes commerciaux internationaux qui ne fonctionne plus, qui ne peut plus fonctionner depuis plusieurs années déjà.
01:16:50Et puis effectivement, peut-être que l'OMC était déjà morte avant Trump du fait de l'entrée de la Chine dans l'OMC, de la manière dont ça a été fait,
01:16:59et surtout de la manière dont la Chine, systématiquement, n'a pas respecté les règles concernant l'ouverture des marchés publics, les subventions à la production, etc., etc.
01:17:10Donc dans tout ça, il y a un peu une question générale. C'est est-ce qu'il faut continuer à jouer les règles du système monétaire international ?
01:17:17Il faut, je pense, garder en tête que ces règles, elles ont une énorme valeur. Ce qu'on fait aujourd'hui, les tarifs qui sont mis en place aujourd'hui
01:17:24vont mettre des dizaines d'années à être résorbés. On sait par le peu d'évidence empirique qu'on a que monter les tarifs, c'est beaucoup plus facile que les réduire.
01:17:35Et c'est bien pour ça que Biden n'est absolument pas revenu en arrière sur la Première Guerre commerciale.
01:17:42Donc aujourd'hui, ce qu'on va faire dans l'après-Trump, parce qu'il y aura sans doute un après-Trump, va nécessiter une gouvernance qui sera très compliquée
01:17:51à partir du moment où on est dans un monde où on n'a plus l'hégémonie américaine et où on est dans un modèle avec différentes puissances commerciales.
01:18:02Donc ici, l'Europe a évidemment un rôle à jouer. Et l'Europe ne peut pas vraiment le faire sans la Chine.
01:18:07Donc évidemment, il y a une menace chinoise importante. Mais il y a aussi un besoin de la Chine dans le système commercial international,
01:18:15parce que c'est de facto la première puissance commerciale aujourd'hui. Donc l'Europe n'est pas un nain dans le système commercial européen.
01:18:23Elle doit garder une position, je pense, de leader. Mais ça doit se faire en discutant effectivement avec la Chine.
01:18:31Et je pense que c'est un peu ce que dit la Commission européenne sur ces sujets-là.
01:18:38Il n'y a pas eu beaucoup de discussions sur les aspects plus sectoriels. Donc est-ce que les chaînes de valeur sont prises en compte dans nos quantifications ?
01:18:46Oui, intégralement. Ce sont des modèles qui tiennent compte de tous les liens entre les différents secteurs.
01:18:53Et donc typiquement, quand on estime des effets sur l'aéronautique, on tient compte du fait que l'aéronautique est affectée aujourd'hui très fortement
01:19:01par les 25 % sur l'acier, les 25 % sur l'aluminium et puis toutes les répercussions que ça peut avoir sur tous les composants qui sont eux-mêmes affectés très fortement.
01:19:15Là où on n'est pas bon dans ce genre de modèles parce que ce sont des modèles de long terme, c'est de calculer un peu les effets à très court terme.
01:19:23Donc dans nos modèles, ce qui se passe à long terme, c'est que tout se réalloue. Donc quand ça devient plus cher de produire en Europe, on produit moins en Europe et on produit ailleurs.
01:19:35Et les chaînes de valeur s'ajustent dans le long terme. À très court terme, ça, ce n'est pas possible. Les chaînes de valeur, ce sont des investissements massifs.
01:19:43Ce sont des structures qui sont très, très rigides. Et donc à court terme, tout l'ajustement se fait par les quantités.
01:19:49De fait, on ne peut pas arrêter d'acheter aux États-Unis nos composants aéronautiques. Et donc s'il y a des droits de douane sur ce genre de flux, ils seront payés parce qu'il n'y a pas d'alternative à tout ça.
01:20:03Donc ça, c'est la manière dont c'est fait. Pourquoi est-ce que dans ce genre de modèles, les effets sur l'automobile, la métallurgie, les biens de transport sont très, très gros ?
01:20:11Parce que ce sont des secteurs qui sont très intégrés dans les chaînes de valeur. Et quand vous êtes très intégrés dans les chaînes de valeur, ce genre de...
01:20:18Alors, les tarifs ont un effet d'y multiplier parce qu'on n'arrête pas d'échanger dans tous les sens. Et donc à chaque fois, on va payer les tarifs.
01:20:26Le tarif, ce n'est pas un tarif sur la valeur ajoutée. C'est un tarif sur la valeur brute. Et donc ça se démultiplie quand il y a une démultiplication des flux.
01:20:35Et c'est aussi des secteurs qui sont particulièrement sensibles à l'incertitude. L'effet de l'incertitude, il passe par les investissements des entreprises.
01:20:42Les investissements des entreprises, ils sont massifs pour mettre en place une chaîne de valeur. Et ils sont massifs pour les déboucher dans l'automobile et dans l'aéronautique.
01:20:53Les produits de l'aéronautique, c'est des biens de capital. Les biens de capital, ils sont très sensibles au climat de l'investissement, etc.
01:21:01Donc ce n'est pas du tout surprenant que ce soit ces secteurs-là qui soient très fortement impactés.
01:21:08Si on fait le lien avec la filière plus agricole, il y avait des questions sur la filière bovine. Je n'ai pas une connaissance particulière sur la filière bovine.
01:21:19Mais c'est des filières où, effectivement, les enjeux sont très différents. Les questions de chaîne de valeur sont beaucoup plus limitées, même si, bien sûr, il y a des intrants échangés dans ce secteur.
01:21:28Sur les secteurs agricoles, il y a toujours eu une très grande tension. Et c'est ce qui a ralenti toutes les négociations commerciales entre l'Amérique du Nord et l'Europe.
01:21:39C'est les normes sanitaires. Donc il y a des questions de normes sanitaires quand on exporte. Mais il y en a aussi beaucoup quand on importe.
01:21:45Il y a une filière bovine énorme aux États-Unis. Et on ne veut absolument pas se mettre à importer ce genre de viande bovine qui ne respecte pas du tout certains standards de qualité ou de normes sanitaires.
01:21:58Donc ça, c'est des questions qui sont toujours très compliquées dans les secteurs agricoles. Il y a beaucoup de compétences au CEPI sur ces questions-là.
01:22:05Donc si vous êtes plus intéressé spécifiquement, il y a beaucoup de gens que vous pouvez interroger.
01:22:11Mais on voit bien, ce n'est pas par hasard du tout que dans le deal entre le Royaume-Uni et les États-Unis, il y a un deal qui a été fait sur les biens industriels.
01:22:20Et ils se sont bien gardés d'intégrer là-dedans les biens agricoles parce que c'est évidemment un sujet très sensible qui nécessite beaucoup de discussions, notamment autour des normes.
01:22:30Et les normes, on le sait, même quand on les met dans les accords de libre-échange, le problème, c'est la vérification. On sait très mal faire.
01:22:38Et donc il y a beaucoup de problèmes de fraude sur toutes ces normes sanitaires, notamment à l'entrée en Europe.
01:22:45Tac, tac. Ça, j'ai fait. Je pense que c'est bon.
01:22:49Je pensais que Thomas parlerait peut-être un peu plus politique, industrielle, les questions de retard sur la Chine.
01:22:55Effectivement, c'est des questions qui sont très importantes aujourd'hui et qui sont structurelles.
01:23:01On a un retard qui s'accumule chaque année par rapport à la Chine parce que, finalement, on n'investit pas suffisamment.
01:23:09Je pense que le secteur automobile, il est vraiment caractéristique. C'est un secteur où, certes, la Chine a massivement subventionné.
01:23:17Et c'est pour ça que l'Europe a mis en place d'ailleurs un tarif ou a négocié un tarif qui est aujourd'hui suspendu,
01:23:24mais sur les importations de véhicules chinois, parce qu'il y a des preuves de subventions massives dans ce secteur.
01:23:30Mais c'est aussi un secteur qui est vraiment caractéristique de l'échec européen, un créé de l'innovation.
01:23:39C'est un secteur où l'automobile européenne était à l'avant-garde. On avait les premiers véhicules électriques de bonne qualité.
01:23:47On a un climat institutionnel qui est supposé aider à l'innovation sur toutes ces questions-là.
01:23:54On a une politique environnementale qui a été très en avance en Europe, avec des choses qui étaient annoncées très en avance.
01:24:02L'interdiction du moteur thermique, c'est quelque chose dont on parle depuis 15, 20 ans.
01:24:08Et ça fait 15, 20 ans que l'automobile européenne fait du lobbying contre la suppression du moteur thermique.
01:24:14Aujourd'hui, il y a des alternatives en Chine. Et ça va être un marasme pour les constructeurs européens,
01:24:22peut-être pas pour la construction européenne, parce que probablement, rapidement, les Chinois vont venir produire en Europe.
01:24:28Mais c'est certain que sur l'électrique, on sait déjà que la bataille est déjà perdue sur les batteries, etc.
01:24:36Et donc ça, c'est quand même un cas d'école, je pense, qui nous interroge tous sur la capacité européenne à faire des normes
01:24:44et à mettre en place un climat économique et institutionnel qui favorise l'innovation.
01:24:52Dernier point où je ne vais pas beaucoup dire de choses supplémentaires sur les questions du rôle du dollar, du privilège exorbitant, etc.
01:25:01C'est une question qui est à la fois de très long terme, donc qui ne va pas être résolue rapidement.
01:25:08Et ça va bien avec tout ce qu'on a dit. Ici, il y a des questions qui sont de très long terme, qui sont posées par la politique commerciale américaine.
01:25:15Ce sont des questions qui sont très ambiguës, parce que les États-Unis veulent renoncer à leur privilège,
01:25:20mais pas complètement. Quand le dollar se déprécie, ils ne sont pas contents non plus.
01:25:23Donc on ne sait pas exactement quelle est la doctrine américaine sur le sujet.
01:25:29Mais ce qui est certain, c'est que le rôle du dollar est quelque chose de très central dans la pensée américaine aujourd'hui.
01:25:37C'est aussi une question qui a été très absente de nos discussions des 15-20 dernières années.
01:25:44D'ailleurs, je me faisais la réflexion que, depuis 4-5 ans en tant qu'économiste du commerce international,
01:25:51on me demande tous les jours de parler de résilience, de la question de la résilience des chaînes de valeur, des vulnérabilités sur le commerce international.
01:26:01Et on a très peu parlé du fait que la grosse vulnérabilité européenne, c'est le fait que tout notre système de paiement
01:26:09et tout le système financier international reposent sur le dollar. Et donc l'absence de la faible internationalisation de l'euro,
01:26:20c'est une vulnérabilité énorme pour la zone euro, dont on a très peu parlé. Donc là-dessus, je pense qu'aucun de nous n'est spécialiste de la question.
01:26:29La spécialiste de la question à l'échelle mondiale, c'est Hélène Rey. Et donc je fais un peu de teasing sur le fait
01:26:35qu'elle est en train de faire une note pour le CAE sur ces questions-là, qui est prévue pour fin juin, début juillet.
01:26:41Donc vous pourrez interroger Hélène Rey et Ludovic Subran, qui ont plein d'idées sur ces questions, et des idées très concrètes.
01:26:48Parce qu'en fait, sur ces questions-là, la difficulté, c'est qu'on sait qu'il y a un déséquilibre majeur, que le système commercial international
01:26:56est organisé autour de trois blocs – la Chine, l'UE et les États-Unis –, alors qu'en contrepartie de ça,
01:27:03on a un système financier international avec un seul bloc. Et ça, ça crée des déséquilibres de tous les côtés.
01:27:10Donc ces éléments-là, on les sait assez bien. Mais ce qui manque beaucoup, je trouve, personnellement,
01:27:16dans cette littérature qui est un peu émergente – vous venez d'en parler –, on commence seulement à se poser la question
01:27:21autour de ces interactions entre le commercial et le financier. Ce qui manque beaucoup, c'est des idées sur qu'est-ce qu'il faut faire concrètement,
01:27:28comment ça marche, qu'est-ce qu'on fait. Et donc là-dessus, il y a beaucoup de choses à faire. Hélène Rey, elle parle beaucoup sur ces sujets-là
01:27:36en ce moment, puisque justement, elle dit que l'Europe se construit un peu dans des moments de crise. C'est un moment de crise majeur pour l'Europe.
01:27:44Et peut-être que c'est une fenêtre de tir pour avancer beaucoup plus rapidement sur les missions de dette, sur l'intégration des marchés de capitaux, etc., etc.
01:27:53Voilà pour cette table ronde organisée au Sénat avec des économistes pour parler de la guerre commerciale déclenchée par le président des États-Unis, Donald Trump.
01:28:01C'est la fin de cette émission. Merci de l'avoir suivie. Continuez à suivre l'actualité politique et parlementaire sur notre site internet publicsenat.fr.
01:28:07Je vous souhaite une très bonne journée sur Public Sénat.

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